colloque Aubervilliers

11 janvier 2014

 

Introduction au Colloque pour le cinquantenaire de
Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

Abdellatif BALTAGI

 

Je vais introduire le colloque et céder la parole aux différents intervenants.

Pourquoi sommes-nous réunis aujourd’hui ?

Nous sommes réunis aujourd’hui parce que nous sommes militants d’une organisation politique aujourd’hui disparue mus par le désir de nous réunir pour partager des souvenirs de lutte commune.

Sommes-nous réunis parce que nous avons un projet de reconstruction d’une organisation politique ou de faire ressusciter l’idéologie que nous avons partagée au moment où les ambitions politiques foisonnent et les idéologies se télescopent en Tunisie.

Je pense que le caractère de notre voix et de notre rencontre est indéniable d’autant plus que la longue répression qu’a subi notre mouvement a dispersé nos rangs et nous a acculé à la clandestinité, à la prison ou à l’exil. Nous retrouver à l’occasion de ce cinquantième anniversaire nous permet de mettre des noms sur des visages et de retisser des liens humains que la répression a créés.

Par contre, reconstruire une organisation politique autour d’une idéologie que plusieurs ont partagé n’est pas sérieuse d’abord, parce que la plupart d’entre nous ont passé l’âge pour se lancer dans cette aventure et d’autre part, parce que d’autres sont déjà actifs dans des partis ou des associations.

Une association APAT (Association Perspectives/Amel Tounsi) a toutefois été créée pour organiser ce 50e anniversaire et sauvegarder la mémoire de l’histoire de Perspectives/Amel Tounsi pour les nouvelles générations.

Au-delà des retrouvailles, quelles motivations nous poussent à commémorer le 50e anniversaire de Perspectives ?

Je pense que nous serons d’accord pour reconnaître que cette manifestation est avant toute une occasion pour rappeler ce qu’a symbolisé notre mouvement et le rôle qu’il a joué dans l’histoire de la Tunisie. A ce propos il n’est pas exagéré de dire que Perspectives a été un moment de dignité dans un pays qui a été soumis pendant plus de 50 ans à l’obéissance aveugle et au despotisme, dans sa version éclairée au départ et mafieuse par la suite. Il est aussi important de rappeler que le trait commun aux Perspectivistes et aux militants d’Amel Tounsi, au-delà de leurs querelles idéologiques, est le refus de voir le pays se réduire à des béni oui-oui. C’est surtout leur exigence ardente de démocratie à travers leur appel inlassable tout au long de leur procès pour que soit appliqué l’article 8 de la Constitution tunisienne de 1959 qui stipule la liberté de s’organiser au niveau politique. Leur trait commun est aussi leur engagement dans l’action de la modernisation de la société tunisienne qui a débuté au XIXe siècle que Bourguiba, le même qui les a réprimés durement, a poursuivi. Ceci à a fait dire au regretté Nourredine Ben Khedr, l’un des fondateurs du mouvement que les Perspectivistes sont « les enfants naturels de Bourguiba ». Fethi Bel Hadj Yahia abonde dans le même sens, en affirmant que les jeunes de Perspectives partageaient avec Bourguiba le même horizon moderniste, que leur vision et leurs références culturelles majeures n’étaient pas très éloignées des siennes par contre les Perspectivistes s’opposaient à Bourguiba sur la question démocratique. Les militants de Perspectives et d’Amel Tounsi qui ont découvert en prison les victimes des répressions politiques passées et l’importance de la solidarité des défenseurs des droits de l’homme enfoncé le niveau international, se sont engagés nombreux dans la lutte de défense des prisonniers d’opinion et des droits de l’homme d’une manière générale en participant à la création d’Amnesty International à partir des années 80 et en soutenant la création de la ligue des droits de l’homme 1977. Un militant de la première heure de Perspectives, Ahmed Othmani qui a découvert comme ses camarades, les conditions de détention inhumaine des prisonniers de droit commun à même créé une organisation « Penal Reform International » (PRI), dans l’objectif d’améliorer le système carcéral au niveau international. La Tunisie aujourd’hui, a frôlé la remise en cause de ses acquis, elle a échappé de peu à une entreprise méthodique de déconstruction de ses institutions et de son projet moderniste. Aujourd’hui, alors que grâce à la vigilance de la société civile, ces dangers s’éloignent sans d’ailleurs disparaître, il est important de rappeler que Perspectives a participé activement à la bataille pour la démocratisation et à la modernisation de la Tunisie.

Restons vigilants en soutenant la société civile dans son combat.
Je rappelle que le programme du colloque qui vous a été remis comprend deux séances d’exposés et de témoignages qui seront entrecoupés par des lectures de textes poétiques. Des débats se dérouleront à la fin de chaque séance avant la pause café. Des chants en hommage au poète égyptien engagé, Ahmed Foued Nejm, qui vient de nous quitter, s’intercaleront entre les deux séances. A la fin du colloque, la question importante des archives sera évoquée. Des témoignages filmés clôtureront notre colloque.

 

Présentation des intervenants au Colloque pour le cinquantenaire de
Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

Abdellatif BALTAGI

On me demande de faire la présentation des intervenants de la première partie du colloque « Perspectives / Histoire et mutations », j’improvise donc …..

Je commence :

Je suis Abdellatif Baltagi, un militant de Perspectives des années 60. Durant les années 70 nous ont soutenu les prisonniers politiques. Dans les années 80 j’ai créé à Tunis, avec 7 autres camarades la section tunisienne Amnesty International. Nous avons vécu huit ans dans la semi-clandestinité parce que Bourguiba ne voulait pas de cette section tunisienne d’Amnesty et nous avons dû attendre « Monsieur » Ben Ali, dont un des premiers gestes est été la reconnaissance de section tunisienne d’Amnesty.

– Pour ce qui est des intervenants précédents Hassan Ouerdani et Françoise Valensi ont fait partie des militants des années 60. H. Ouerdani est probablement le plus ancien de tous puisqu’il a participé activement aux luttes syndicales de l’UGET. Nous nous sommes côtoyés dans les années 60, dans les batailles contre le Destour à l’UGET et à l’AEMNA, ainsi que dans les réunions clandestines au sein de Perspectives.

– Françoise a expliqué comment elle a adhéré dans les années d’abord au mouvement trotskiste avant d’adhérer à Perspectives.

Brahim Razgallah est en emblème de la lutte du mouvement Perspectives, il a fait partie de la première vague de prisonniers politiques en 1968. Il a été beaucoup admiré à l’époque, pour ses propos courageux face aux juges. Il a par la suite regagné la France clandestinement pour reprendre un peu plus tard des études de médecine. Il a beaucoup contribué, avec d’autres, à la tenue de ce 50e anniversaire, mais il en a surtout été le catalyseur et nous devons tous le remercier.

Hichem Abdessamed, vous le connaissez tous aussi, historien de formation, et de métier,  il va  nous parler du mouvement Perspectives auquel il a fortement contribué aussi bien dans sa fin des années 60 que dans sa phase que dans les années 70.

Ahmed Amara  est plus jeune, c’est lui qui va parler de l’année 77 lorsque à l’âge de 20 ans, il a rejoint ses camarades à Borj Erroumi.

Leïla Zaïbi, est membre du bureau de l’association Perspectives/Amel Tounsi créée en France. Elle nous fera tout à l’heure des lectures de poèmes.

 

A la naissance de Perspectives

Hassan OUERDANI

Intervention au Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers.

 

 

J’interviens ici comme l’un des plus anciens de Perspectives et de l’UGET, peut être le plus ancien d’entre vous tous ?

Pourquoi l’UGET ? C’est tout simplement parce que tous les militants fondateurs de Perspectives ont fait leurs armes à l’UGET.

Je voudrais revenir bien en arrière, car toute une partie de l’histoire de l’UGET n’est pas très connue, pour fournir quelques témoignages de ce que j’ai vécu. Parmi les membres fondateurs de Perspectives nous étions deux à Sousse : Hechmi Jegham et moi-même.

C’est en tant que jeune militant du mouvement national et ancien militant de l’UGET depuis sa naissance, que j’ai eu à assumer plusieurs responsabilités au sein de cette dernière. En premier lieu, secrétaire général puis trésorier de la section lycéenne en 1954/57, puis trésorier de la section de Paris 1962/63.

Rappelons quelques faits : pour commencer l’UGET est née à Paris. Pourquoi ? Tout simplement parce que la quasi-totalité des étudiants faisaient leurs études à Paris à l’époque. Il y avait en 1962 tout au plus 612 étudiants et la quasi-totalité était à Paris. L’Institut des Hautes études à Tunis venait de naître et ne comptait que peu d’étudiants.

Une autre question : pourquoi les élèves et lycéens faisaient partie de l’UGET ? Tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’étudiants à Tunis et que les lycéens étaient le fer de lance de la lutte des jeunes pour l’indépendance. C’est pour cette raison que les sections lycéennes se sont imposées à l’UGET. Elles ont joué un rôle très important puisque au premier congrès réuni à Tunis, les lycéens étaient les plus nombreux. Il est donc fondamental de rappeler cela pour vous faire vivre un peu cette époque. En 1952, une grève a été déclenchée à la suite d’un mauvais traitement subi par un élève de terminale au lycée de Sousse.  Le professeur auteur de ces violences, était connu pour ses opinions colonialistes. C’était la fin de l’année scolaire nous avons tous été renvoyés comme grévistes et devions passer un examen pour être réintégrés. La sanction a finalement  été levée, pour calmer les esprits, et nous avons tous repris les cours à l’automne.  Peu de temps après, le 5 décembre 1952, Farhat Hached est assassiné. La nouvelle nous a tous terrassés et nous nous sommes retrouvés dans la cour centrale du lycée. C’était le grand silence, l’atmosphère était très tendue, le proviseur français était présent. Adbel Jelil El Behi, élève modèle, qui plus tard dans les années 1980 fonda le journal d’opposition « Le Phare » prit la parole pour stigmatiser ce crime odieux et pour rappeler le combat exemplaire de Farhat Hached pour la liberté et la pleine émancipation de notre peuple. Son intervention digne et calme permit d’éviter le pire. Je précise cela, parce que dans les jours suivants, un élève a failli faire sauter le laboratoire de physique. Par la suite, les événements se sont précipités entraînant manifestations et grèves. La répression s’est accentuée avec arrestations, interrogatoire et tortures. J’ai été moi-même arrêté, mais comme j’étais le plus jeune, j’ai moins subi la répression. L’organisation clandestine lycéenne fut démantelée, ses responsables considérés comme meneurs, furent exclus de tous les lycées de Tunisie. Citons quelques noms : Adbel Jelil El Behi, dont j’ai parlé tout à l’heure, Béchir El Feni que certains d’entre vous connaissent, Youssef Ouerdani, Mostfa Zelten, Il y en a eu d’autres mais je ne me rappelle plus leur nom. Certains ont pu rejoindre la France pour poursuivre leurs études, d’autres ont dû y renoncer.

C’est dans ces conditions, que en juin 1953, une assemblée s’est réunie clandestinement à la Maison de la Jeunesse Scolaire pour désigner deux délégués de Sousse au congrès fondateur de l’UGET à Paris.

Ces événements de Sousse illustrent bien le fait que l’UGET est issue du mouvement national dans sa diversité, il est aussi l’émanation des luttes, et des sacrifices des lycéens. Elle n’est pas comme certains le prétendent la création du Neo-Destour.  À ma connaissance aucun élève n’était encarté au Neo-Destour. Parmi ceux qui ont été exclus, un seul a rejoint  le Neo-Destour. Avant 1956, toutes les forces nationales convergeaient vers le même but l’indépendance de la Tunise. L’opposition droite/gauche au sein de l’UGET n’était pas manifeste ; c’est l’interventionnisme du Neo-Destour et sa tendance à placer ses membres dans les postes clés, qui ont fait réagir les militants de base. Au (deuxième ?) troisième congrès de l’UGET en 1955, le premier organisé à Tunis après l’autonomie interne, le vice-président du congrès Hamed Karoui, proposa de coopter Abdel Majid Chaker militant destourien comme membre du congrès ; le prétexte était que ce dernier, avait l’oreille de Bourguiba et que l’organisation avait besoin de quelqu’un d’influent pour mener à bien les revendications. Hors, Abdel Majid Chaker à l’époque, n’était ni étudiant ni congressiste ; la proposition de Karoui a mis en ébullition les congressistes scandalisés par cette entorse au statut de l’UGET et aux règles démocratiques. Pour réduire le nombre de témoins gênants, le congrès décida alors de siéger à huis clos, les délégués étrangers ayant été priés de quitter la salle. Après des débats animés, la proposition est passée au vote et a été finalement adopté. Abdel Majid Chaker s’est retrouvé par la suite président de l’UGET, sans même avoir participé aux travaux du congrès. On peut dire que l’opportunisme carriériste des débuts de l’indépendance l’a emporté. Le clivage entre une gauche attachée à l’indépendance des organisations nationales et aux règles démocratiques d’une part et d’une droite au service d’un parti hégémonique d’autre part a commencé à prendre forme à partir de ce moment. En dépit de l’élection controversée de Abdel Majid Chaker, l’autonomie de l’UGET est restée vivace dès 1955. En effet, sous la présidence suivante, celle de Hafez Tarmiz, l’organisation a manifesté fin 1956 sa pleine solidarité avec l’équipe légitime de l’UGTT, quand Bourguiba a provoqué la scission de la centrale syndicale dans la perspective de la réunifier sous sa botte.

Je vais assez vite, car vous avez tous pratiquement vécu cette époque ??

Au cours du congrès de l’été 1957, l’opposition démocratique a défendu avec énergie l’autonomie de l’UGET mais comme à l’UGTT, la satellisation de l’UGET était en marche, bureaucratisée et désertée par la majorité des étudiants ce n’est qu’à partir des années 60 que les choses ont commencées à changer.

Je pense qu’il est utile ici, de rappeler le rôle l’AEMNA (Association des Etudiants Musulmans Nord Africains), établie au 115 boulevard Saint-Michel à Paris, qu’on appelait familièrement le 115. L’AEMNA, fondée en 1926,  a eu un rôle important dans la naissance des mouvements nationaux maghrébins et des différentes organisations estudiantines maghrébines, pendant l’occupation coloniale française.

Une présidence tournante avait été instituée faisant alterner les organisations étudiantes algériennes, tunisiennes, marocaines. En 1962/1963, la présidence revenait aux Tunisiens et lors des élections du 9 novembre 1962 la gauche l’a emporté évinçant ainsi les destouriens.

C’était une grande victoire pour nous. Mahmoud Hafsia, militant démocrate, fut élu Président. Enfin, nous disposions d’un local où nous retrouver, discuter,  et surtout nous réunir, car jusqu’à ce jour aucune réunion n’était possible ni à la Résidence Monsigny ni à la Maison de Tunisie.

J’aborde maintenant le travail de la Section de Paris de l’UGET et je vais m’arrêter surtout sur les années 1962/63. Dans la salle en face de moi, je vois le camarade Larbi Bouguerra, notre ancien secrétaire général de la Section de Paris qui a fourni un travail immense durant ces années.

Grâce au travail intense mené par la Section de Paris : réunions, débats, diffusion du journal « El Itihad », la mobilisation devenait importante.

La situation économique comme l’état des libertés se dégradait dans le pays, les grèves se multipliaient et la répression s’intensifiait. En Europe, la majorité des sections de l’UGET était passée dans l’opposition et la gauche estudiantine imposait une lecture importante et progressiste de la situation et des événements en Tunisie. Le journal « El Itihad » de la Section de Paris, circulait à l’Université de Tunis.

Je vais rappeler rapidement les grands événements qui ont marqué cette période en Tunisie : le complot,  les grèves dans toutes les villes minières, la  grève des dockers à Sfax, les grèves de la société des transports (TAT).

Les succès de la gauche à l’UGET inquiétaient le pouvoir et après une large campagne de dénigrement par le Bureau Exécutif, la Section de Paris a été dissoute le, 2 mois plus tard, les destouriens connurent un échec cuisant car à la suite d’une nouvelle élection, la gauche était toujours majoritaire. Devant ce fiasco répété le Bureau Exécutif imposa un véritable coup de force, à l’occasion  de l’élection des délégués de Paris pour le 12e ( ?) congrès qui se tenait à Monsigny, ou résidaient les responsables destouriens. Tout avaient été fait pour qu’elles avortent : l’urne est enlevée et expédiée à Tunis ; comme par miracle, les 18 délégués de Paris au congrès sont tous destouriens.

Ce congrès qui s’est tenu au Kef en août 1963 officialisa la mainmise du Neo-Destour sur l’UGET qui devint un satellite du parti unique ; plus aucun opposant ne siégea à la Commission Administrative. En 1958 il n’y avait que 6 opposants à la Commission Administrative, en 1962 il n’en restait qu’un seul et aucun, au congrès du Kef de 1963.

À ce congrès, une nouvelle charte fut adoptée en remplacement de celle de 1957. L’UGET devait défendre les thèses du Neo-Destour à savoir le socialisme destourien. Une motion est votée pour demander au Bureau Exécutif d’exclure tous les opposants. Ainsi pour  la deuxième fois la Section de Paris est dissoute. L’opposition démocratique ne pouvait accepter ce diktat du parti unique ; il en allait de notre engagement de citoyens libres.  Le choix était clair : il fallait soit disparaître soit construire une nouvelle structure. C’est ainsi  qu’une nouvelle opposition est née, indépendante des organisations existantes.  A l’époque, à Paris, les organisations présentes étaient : le parti communiste qui, bien que dissous était actif et les étudiants trotskistes. C’est ainsi que le Groupe d’Etudes et d’Action Socialiste Tunisien vit le jour à travers son journal Perspectives.

J’arrive au terme de cet exposé qui m’a permis de retracer rapidement les luttes démocratiques au sein de l’UGET à Paris dans les années 60, ces luttes qui ont continué sous d’autres formes par la création du mouvement Perspectives.

 

A la naissance de Perspectives

Françoise Valensi

 Intervention au Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

Bonjour,

je vous invite, par mon témoignage, à évoquer le début des années 60 à Paris.

Le contexte

C’est  une période de bouillonnement  politique, intellectuel et culturel.

Nous sommes en pleine guerre d’Algérie.

 Les études

J’arrive à Paris en octobre 1960, pour faire des études de médecine ; j’y retrouve mes copines avec qui j’ai suivi à Tunis l’année préparatoire aux études médicales (Institut des hautes Etudes, rue de Soukharas).  C’est durant cette première année universitaire après le bac, que j’ai adhéré à l’UGET (corpo des sciences), j’étais responsable des polycopiés !

 Les engagements syndicaux et politiques

Dès novembre 1960,  et à peine sortie de cours, je retrouve mes copines à l’UGET et à l’AEMNA au 115 boulevard Saint Michel. Nous ne manquons aucune réunion ou AG aux dépens parfois de nos études.

Nos sympathies vont vers la gauche, et petit à petit nous nous immergeons dans cet univers, nous faisons la connaissance des étudiants tunisiens de tout bord, mais aussi des algériens et des marocains. Nombre d’entre eux sont déjà engagés dans des groupes politiques.

Nous sommes courtisées d’un côté par les communistes et de l’autre par les trotskistes. Pour ma part je choisis les trotskistes dont mon frère et ma belle-sœur étaient proches pendant leur séjour à Paris, après avoir quitté le Parti Communiste.

 Les lieux

– Je fréquente alors le café Gay Lussac près du Luxembourg, qui existe toujours, alors que les étudiants communistes (algériens puis tunisiens) vont au café voisin le Lussac (il suffit de traverser la petite rue Royer Collard). Pour ma part il m’arrive souvent de faire le va et vient entre les deux cafés ; je ne suis pas la seule, l’étanchéité n’étant pas parfaite entre les deux groupes, chacun a des copains ou copines de l’autre côté de la rue,  quelques communistes, d’ailleurs, sont des piliers du Gay Lussac.

Mais comme toujours et partout, il y a des irréductibles ….

J’ai une pensée pour tous ceux que j’y retrouvais, les filles d’abord : Samia (Attia), Melika (Horchani), Dalila (Ben Othman), Leyla (Ben Othman), Faouzia (Rekik qui deviendra Charfi) …. avec qui, encore aujourd’hui, je reste fortement liée ; les garçons : Ali (Attia), Toufik (Khoja), Papi (Naccache), Hédi (Kamoun), Moncef (Gargouri) …., mais surtout Ahmed (Smaoui), Khemaïs (Chammari),  Mohamed (Charfi), Nourredine (Ben Kheder), Hassan (Ouerdani), Abdelwahab (Mejdoub), Rachid (Larguèche), … puis Marcel (Maarek), Gérard (Maarek), Serge (Adda), Hechmi et Raja (Ben Fredj)…. J’en oublie certainement.

Au groupe des Tunisiens, se mêle le groupe des géographes (l’Institut de Géographie est tout proche, rue Saint Jacques, et nombre de professeurs de gauche connaissent bien la Tunisie) : Gilbert (Samdja), Alain (Billon), Nicole (Szulc qui deviendra Smadja) qui est dans la salle ! Jeannine (Rivoalen) mais aussi les autres amis : les 2 Françoise (Sinaud et Truchot dites : Ptit’sin et Truche), Jean (Cohen), et d’autres…

Autre lieu : la Maison de Tunisie à la Cité Universitaire, où, avec toujours les mêmes, nous tenons des réunions restreintes ou plus larges et où, dans une ambiance de grande excitation  se déroulent les mises en page et l’agrafage du journal de l’UGET « El Itihad ».

Après les réunions, nous  traversons le boulevard Jourdan pour prendre un verre au café Babel, qui n’existe plus aujourd’hui.

– Autre lieu encore : la Cité Universitaire d’Antony où (je crois) se tiendra (au bar du B ?) en septembre 1963 la réunion fondatrice  de Perspectives. Plusieurs idées sont lancées pour choisir le nom de la revue, mais lorsque Hachemi Jegham, si je ne trompe pas, propose « Perspectives », tout le monde tombe immédiatement d’accord.

 Perspectives

Durant l’année 1963, après les tensions et les différentes évictions de la gauche à l’UGET, dont vous a parlé Hassan, la nécessité d’un nouveau cadre de réflexion et d’action hors des pôles déjà existants s’impose.

C’est ainsi que l’aventure de Perspectives a commencé et que le premier n° du journal est sorti en décembre 1963.

C’est tout naturellement que j’y ai participé.

Je laisse à d’autres le soin d’évoquer la suite de l’aventure.

En ce qui me concerne, j’ai continué à adhérer au mouvement, ainsi qu’à la transition vers Amel Tounsi.

J’ai quitté toute activité politique en 1972 ( ?), mais j’ai continué à travailler au sein du Comité de Défense des Prisonniers Politiques en Tunisie.

 Bilan

Quel est le bilan de cette période ?

Ce sont des années de formation politique intense.

Notre engagement militant syndical  à l’UGET est prioritaire, et notre horizon est la Tunisie, cependant nous sommes à Paris et perméables à toute la vie politique française ; à l’AEMNA, la guerre d’Algérie est notre préoccupation principale. A cette époque, l’internationalisme fait partie intégrante de l’engagement politique, nous sommes concernés par ce qui se passe dans le reste du monde, en particulier (les pays appelés Tiers Monde à cette époque) : Congo, Vietnam, Chine, Cuba, ….

 C’est dans cette atmosphère de  discussions, de confrontations, d’échanges permanents et quotidiens et bien longtemps avant l’arrivée d’Internet et du téléphone portable, que s’est forgé une culture politique commune.

C’est aussi l’apprentissage de la solidarité, de la vie collective et du respect de l’égalité entre filles et garçons. Les filles étaient nombreuses au sein de la gauche à l’UGET. Nous étions de grandes admiratrices de Simone de Beauvoir. Celle ci est d’ailleurs venue animer un débat qui est resté mémorable, à la Maison de Tunisie, en 1962 je crois. Ce débat avait été organisé par la section de Paris de l’Union des femmes de Tunisie à laquelle nous avions adhéré et dont la présidente, fraîchement élue,  était notre camarade Hamida Nabli (pas encore Gargouri).

L’activité militante est le socle du groupe au sens large, mais la vie culturelle est aussi partagée : le soirées cinéma au quartier latin, musique et danse à la Cité U, découverte des restos grecs, vietnamien ou libanais le samedi soir.

Cette expérience, qui nous a réunis à cette époque, autour de valeurs communes a tissé des liens qui sont restés très forts, quels qu’aient été nos itinéraires ultérieurs.

Je vous remercie.

 

Le mouvement de 68, prémisses, points forts et suites historiques

Brahim RAZGALLAH

Intervention au Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

 

Les années 60 représentent un processus de rupture radicale, mais par étapes en plusieurs dates, en plusieurs événements, entre la jeunesse tunisienne, particulièrement la jeunesse étudiante lycéenne, et le régime destourien.

Ce processus de rupture ascendante et radicale va s’étaler tout au long des années 60 ; la rupture totale se fera en1972, lors du mouvement de février 72 dont vous parlera notre ami Hichem.

Quelle est cette rupture qui va s’amorcée dans les années 60 ?

Comme viennent de l’expliquer Hassen et Françoise, Le mouvement Perspectives est issu essentiellement du mouvement étudiant de l’UGET,  c’est la continuation. C’est une continuation organique, le mouvement étudiant est partie intégrante du mouvement national. Ce mouvement national contre le colonialisme français et pour la libération de la Tunisie avait un projet d’indépendance politique et aussi, de construction d’une Tunisie nouvelle indépendante d’abord, mais aussi démocratique, libre et surtout avec un développement économique moderne, social et culturel.

Quoique dise Hassen, ce mouvement national était dirigé par le Neo-Destour de Bourguiba, mais ne se résumait effectivement pas, à ce Neo-Destour. Il regroupait l’ensemble du peuple tunisien dans un grand mouvement national dont d’ailleurs la composante principale était l’UGTT (l’UGTT était un grand mouvement populaire de la classe ouvrière tunisienne avec le grand Farhat Hached) mais aussi l’UGET avec une disproportion, car à l’UGET, nous n’étions que quelques centaines d’étudiants à ce moment là,  c’était surtout le mouvement lycéen qui comptait. Le poids de cette jeunesse étudiante et lycéenne, était surmultiplié par rapport à son nombre. Il avait deux composantes : le mouvement Zitounien et le mouvement des étudiants et lycéens « modernes ».

La rupture a commencé assez tôt après l’indépendance, dès le conflit entre Bourguiba et Ben Youssef, les fissures ont commencé à se faire. Au début, il y avait une certaine symbiose entre les réalisations nationales après l’indépendance et les aspirations de la jeunesse et du peuple tunisien ; lorsqu’ils généralisent l’enseignement on applaudit des deux mains, lorsque sort le code du statut personnel on applaudit des deux mains et des deux pieds évidemment, lorsqu’ils nationalisent les terres des étrangers on est d’accord, lorsqu’ils enclenchent la bataille de Bizerte on est d’accord ; on critiquera plus tard certaines choses mais on est d’accord pour libérer notre pays des bases étrangères ; lors de la création de l’armée nationale on était d’accord aussi et on allait à fond.

Mais au fur et à mesure, que le temps passait, le projet bourguibien et destourien se mit à battre de l’aile, sur un triple plan :

  • l’impérialisme, Monsieur Bourguiba a favorisé l’alliance avec le camp occidental, en particulier les États-Unis,
  • la démocratie et les libertés ont été petit à petit verrouillées
  • l’économie, crise grave après le libéralisme, il change de tactique le « socialisme » destourien va finir par une catastrophe aussi, sur le plan social n’en parlons pas.

Sur le triple plan : la lutte contre le néocolonialisme, le plan des libertés démocratiques et le plan de la construction d’une économie indépendante et d’une justice sociale, le projet bourguibien et les aspirations de la jeunesse commençaient à se distancer.

Quelques dates :

– 21 février 1961 : assassinat de Lumumba, j’étais encore au lycée Alaoui, les étudiants sortent manifester contre le colonialisme belge, quoi de plus naturel. Le parti de Bourguiba qui se battait soi-disant contre le colonialisme français trouve le moyen de sortir tabasser les étudiants et les emprisonner. Que voulez-vous que nous pensions nous, jeunes en voyant cela. Bourguiba commençait à dévier du projet de libération nationale.

– Deuxième date, l’assassinat de Ben Youssef. L’assassinat politique n’est pas une méthode démocratique pour résoudre les problèmes. On n’était pas Yousséfistes pourtant, mais on récusait l’assassinat politique comme méthode de règlement des conflits.

– Troisième date : la bataille de Bizerte : 10 000 morts, on voit que Bourguiba,  après des négociations, recule, il dit : « mettez ça sur le compte de mon inexpérience ». Bourguiba inexpérimenté c’est plutôt risible !

– D’autres dates : Bordj Ali Rais, Msaken, Ouerdanine, tout ça nous donnait à nous les jeunes à réfléchir ; ce nouveau régime qui voulait soi-disant construire le pays. Sur le plan étudiant, on vous en a parlé : dissolution trois fois de suite, déni des élections trois fois de suite, exclusion des étudiants. C’est-à-dire que nous n’avons plus droit à la parole. la rupture avance entre les étudiants tunisiens et le régime.

– Le complot : 13 condamnations à mort pour les inculpés, treize têtes coupées ! On n’était pas Yousséfistes, on n’était pas pour le complot, mais on n’admettait pas une justice qui n’en est pas une

La rupture avance.

– Autres dates : en 1963, la création de Perspectives pour une Tunisie meilleure. On était critique vis-à-vis du gouvernement et pour l’indépendance de l’UGET.

– En 1964, implantation de Perspectives en Tunisie, au congrès de Chrahal. La direction est transférée à Tunis dans un grand enthousiasme. Les étudiants venaient par dizaines dans un engouement énorme.

Personnellement j’étais de la première promotion de la Faculté de médecine à Tunis. Je suis un pur produit tunisien, je n’avais jamais mis les pieds à Paris. En quelques mois je découvre Perspectives en la personne de Mohamed Charfi et Nourredine Ben Khedr, des gens d’un très haut niveau, j’étais bouche bée, je regardais, j’écoutais, j’ai passé quelques mois dans cette béatitude ; les mois suivants j’ai été encadré dans un cercle, avec Ahmed Smaoui. Quelques mois après, je me retrouve dans une cellule avec Mohamed Mahfoudh. Quelques mois après, je me retrouve au comité central, j’avais 21 ans. Quelques mois après je me retrouve au comité directeur et quelques mois après ;;;;;… On n’a même pas le temps de voir venir, c’est l’enthousiasme et le dynamisme à l’état pur.

Il y a aussi d’autres dates : 1966/67 puis 68. En 1966 :  manifestation étudiante et répression.  Nous avons été arrêtées par centaines alors que nous étions 3000 étudiants à tout casser. La caserne de ;;;; était pleine à craquer d’étudiants ; Zouzi qui est dans la salle peut vous en parler. 10 sont traduits en justice et envoyés au régiment, à la caserne de ;;;;;El Mellah.

– En 1967, Mohamed Ben Jennet est condamné à 20 ans de travaux forcés. Il n’a rien fait de mal, au contraire, il devrait être décoré pour sa bravoure, son courage et son patriotisme. On le fout en taule.

 

C’est Perspectives, c’est les étudiants, c’est l’UGET, la jeunesse étudiante lycéenne qui était la véritable continuatrice du projet national de notre pays.

Quelques mois après qu’est-ce qu’on a fait ?

– Je vais m’arrêter à cet été 67 c’est une étape fondamentale, une articulation très importante de l’histoire de Perspectives et du mouvement étudiant. Que s’est-il passé en 67 ? En juin 67 : la guerre des 6 jours. En 6 jours, défaite des armées arabes. Une catastrophe jamais vu auparavant. Pour moi la vraie catastrophe c’est en juin 1967 et non pas en1948.

Je ne suis pas très amateur de football, mais j’ai utilisée à Tunis une image que je vais reprendre ici et que j’ai empruntée au football. Au Mondial de 98 qui s’est déroulé ici en France, il y avait la demi-finale, France/Uruguay. Les deux mi-temps passent, match nul, puis ils passent aux prolongations, toujours match nul ; ensuite c’est le but de la mort, il y a une équipe qui marque et l’autre est morte. L’Uruguay est un petit pays mais c’est une grande nation de football (c’est l’Uruguay qui a inauguré le Mondial et qui a remporté la première coupe  du monde de football). En 1998, le gardien de but s’appelle XX;;;; , il est aussi capitaine de l’équipe. La France marque le but de la mort. Le terrain est parsemé de 10 corps morts, 10 uruguayens terrassés par le but de la mort, sauf un XX;;;;. J’ai toujours cette image en mémoire. Il était debout, il fait le tour de ses 10 camarades : « debout, debout, debout ! ».

En 1967, il n’y avait pas 10 joueurs par terre, il y avait 21 pays, 21 peuples arabes terrassés par la défaite.  XX;;;; c’était Perspectives.

On s’est réunis, nous étions effectivement debout : on va continuer, on ne va pas se laisser abattre, la révolution continue, on a fait justement le bond en avant pendant cet été 67.

Qu’avons nous fait ? 3 choses :

– on a coupé avec le nationalisme arabe par la fameuse brochure n°2, que nos ennemis appellent la brochure jaune. Je considère que c’est l’un des meilleurs produits de Perspectives. Personnellement, j’assume et encore aujourd’hui, je continue d’assumer. L’essentiel étaient de reprendre le flambeau de la lutte, continuer la révolution populaire ; parallèlement Le Fatah  venaient de naître, il disait la même chose : la révolution palestinienne c’est d’abord les palestiniens qui doivent la diriger, personne d’autre on disait la même chose, la révolution Tunisie pas dans les cieux lointains.

– deuxième chose : on a dit qu’on avait adopté le maoïsme, mais qu’avons nous adopté du maoïsme ?  Pas l’idéologie et le carcan, non c’était la révolution culturelle, la jeunesse étudiante chinoise qui était appelée à casser le régime existant. 4 de nos camarades étudiants en France sont partis en Chine, ils sont revenus avec ce souffle de lutte transmis par la jeunesse de la révolution culturelle. Il s’agit de Mohamed Saddem, Hechmi Ben Fredj, Ridha Sanaa, Taïeb Ktari (aujourd’hui décédé et frère de Habib, dont vous pouvez voir la photo). Nourredine Ben Khedr y est allé quelques mois plus tard.

Nous étions critiques vis à vis de la Chine, mais nous avons retenu certaines choses (voir un article de perspective sur la révolution culturelle), en particulier la nécessité d’une jonction avec la classe ouvrière, mot d’ordre historique ! En conséquence, nous décidons, après des discussions avec le regretté Salah Guermadi, linguiste et communiste qui nous convainc que le journal doit parler la langue du peuple, de remplacer Perspectives, journal écrit en français, par Amel Tounsi.

– A la rentrée scolaire, nous créons « le comité pour la libération de Ben Jennet » notre camarade condamné à 20 ans de travaux forcés. Le comité est constitué de 2 étudiants de Perspectives et de 2 étudiants communistes. Ce comité représente l’initiation de la culture des droits de l’homme qui va venir après en Tunisie.

– lors du procès de 1968,  la rupture avec le régime est consommée suite à la violence, la torture et à l’emprisonnement à des dizaines d’années de prison : 16 ans de prison pour Nourredine, 14 ans pour moi. (Quant à Ben Jennet, ils lui ont ajouté des années supplémentaires de prison parce qu’il ne savait pas qui qu’ils faisait partie de Perspectives). Nous n’avons fait que des assemblées générales, des grèves à l’université. Nous avons écrit sur la révolution mais c’était sur du papier. Dans les faits, nous faisions une lutte démocratique.

on se retrouve donc tous en prison, mais ce que Perspectives a ensemencé à l’université va continuer à agir comme la braise sur des cendres. Bourguiba croyait que c’était fini il pensait que nous avoir foutu en taule, ce serait la tranquillité. Il se trompait lourdement il allez le constater lors du congrès de Korba et lors du fameux mouvement de février 1972.

 

A 20 ans dans la cour des grands

Ahmed AMARA

Intervention au Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

Mon témoignage s’inscrit dans un texte que je suis en train de rédiger actuellement sur une partie de mon histoire, celle que j’ai passée en prison, « les plus belles années de ma vie ».

J’ai appartenu au mouvement Perspectives/Amel tounsi. Personnellement, je n’ai jamais reconnu les frontières entre Perspectives et Amel Tounsi.

A partir de 1977, j’ai vécu en prison avec les militants de ce mouvement et ce jusqu’à notre libération à l’occasion du 1er juin 1980 (grâce présidentielle partielle d’une partie des détenus politiques).

Un bref rappel : j’étais étudiant et j’ai été arrêté dans ce que l’on a appelé, l’affaire de la Résidence Universitaire de Bardo 2. J’ai été arrêté avec une vingtaine d’autres étudiants j’ai été jugé ainsi que les autres et j’ai été condamné à 5 ans de travaux forcés. Le pouvoir n’ayant pas pu arrêter les responsables des structures syndicales provisoires, car nous n’avions pas dénoncé les dirigeants du mouvement : le regretté Fadhel GHDEMSSI, Lakhdhar LARAARI, Mongi BEDOUI, Béchir LIMRAKBNI, Mohamed MOULDI, Le regretté Brahim CHINNEOUI…etc , ils m’ont considéré comme le chef du groupe, « du commando »! J’ai assumé, j’y ai cru d’ailleurs même en prison, et il a fallu que je l’assume.  Nous sommes entrés au tribunal en scandant l’hymne national, en insultant les juges et le pouvoir en place ; les avocats étaient d’ailleurs très étonnés de notre attitude car nous étions plutôt inexpérimentés.

Comme l’ont rappelé Brahim et Hichem, Perspectives et Amel tounsi rayonnaient vraiment partout à l’Université. En ce qui me concerne, j’étais prêt à militer, mais on ne te laisse même pas le temps de respirer. J’ai été contacté par Fadhel GHDEMSSI du CUP (Comité Universitaire Provisoire) qui m’avait repéré, il m’a donné quelques documents de Amel Tounsi, sans entrer dans les détails de l’organisation. Cela n’a pas duré longtemps car, j’ai été arrêté et jugé en 1977, puis j’ai rejoint mes camarades au bagne de Bordj Erroumi.

J’ai été condamné à cinq ans de travaux forcés, nous étions considérés par l’administration comme des détenus de droit commun pour avoir détruit le bien public.

En fait, je n’ai pas participé moi-même en tant que militant, à allumer le feu. Mais lorsque nous avons été arrêtés,  il a fallu se battre et comme je le disais, j’ai joué ce rôle de chef de « commando ». C’est ainsi que nous sommes devenus vraiment « gauchistes ».

Nous étions 9 étudiants, condamnés à de lourdes peines. Au début, nous étions à la prison de  Nadhour qui se trouve à 5 km de Bordj Erroumi où se trouvaient les camarades de Perspectives et Amel Tounsi.  Un jour, tous les 9,  nous avons décidé de séquestrer le directeur adjoint de la prison avec comme revendication essentielle : rejoindre nos camarades de Bordj Erroumi. Nous l’avons fait sans avertir personne, ni en Tunisie à l’extérieur de la prison, ni à l’étranger via nos contacts avec Amnesty International qui nous parrainait et nous  écrivait, et pour qui  nous étions des détenus politiques.

C’était du  gauchisme primaire ! Je n’avais pas encore 20 ans quand j’ai été arrêté !

Un souvenir : mon père  venait me rendre visite en prison, il était parmi les notables de notre région, car il avait été l’un des compagnons de Bourguiba lors du mouvement de libération nationale. Lorsqu’il est mort, en 2001, il était encore « bourguibiste ». On avait beaucoup d’opposition tous les deux, mais il venait me rendre visite en prison. Il avait contacté des responsables du pouvoir qui lui avaient promis de me faire sortir à condition que je fasse une demande de grâce. C’était impensable pour moi !

La prison, donc, nous a beaucoup forgés, nous étions dans une logique de militantisme de gauche, et pour aller plus loin il fallait aller rejoindre nos camarades. Après ce mouvement de séquestration, nous avons été durement réprimés ; nous avons été mis dans des cellules individuelles, les brigades d’ordre public (BOP), nous ont tabassés. Nous avons tenu bon et après 3 ou 4 jours de  grève de la faim, nous avons reçu l’accord du Ministère de l’Intérieur de rejoindre nos camarades !

Nous n’étions pas tous gauchistes à l’époque, et ce n’est pas péjoratif quand j’utilise ce terme. J’étais gauchiste, maintenant je suis plutôt réformiste et je l’assume, comme j’assume aussi le gauchisme que j’ai vécu à l’époque.

J’avais entendu parler, y compris par les avocats, des camarades que nous allions retrouver en prison, Gilbert Naccache, Noureddine Ben Khedher, Hamma Hammami …. J’imaginais que j’allais rencontrer Antonio Gramsci en personne ! Je ne connaissais pas leurs visages, mais j’avais entendu parler de la résistance du regretté Ahmed Ben Othman et de Sadok Ben Mhenni. Je me suis dit qu’il fallait se préparer à doubler la dose, à être encore plus gauchiste ! A notre arrivée, nos camarades nous ont reçus très chaleureusement, ils avaient préparé notre arrivée de façon à nous faciliter la tâche. Ils savaient que parmi nous, certains n’avaient même pas participé au mouvement étudiant en tant que militants des structures syndicales provisoires. Moi je faisais partie des structures syndicales provisoires mais l’action elle-même, à Bardo 2 je n’y avais  pas participé, alors que d’autres avaient été chopés parce qu’ils étaient là. Mohamed Sayah avait tenu à l’époque des propos symboliques comme : « les étudiants, il faudrait pour l’exemple, les passer à la guillotine afin qu’ils nous foutent la paix ». Mon père y a cru, il a eu très peur. Dans « El Beyène », le journal des patrons à l’époque je crois, il avait été écrit que Ahmed Amara, était le chef du groupe fasciste de Bardo 2. Mon père, qui avait entendu parler des fascistes et de Mussolini, m’avait dit « mais vous n’êtes pas plutôt avec les  soviétiques, vous ? »

A la prison de Borj Erroumi , il y avait deux pavillons qui étaient en fait deux grandes cellules composées de grands dortoirs, un coin cuisine et un coin toilette. Je me suis retrouvé dans le groupe où se trouvaient Hamma Hammami, Mohamed Fetati, Cherif Ferjani , le regretté Mohamed Khémili ceux que l’on appelait « Amel tounsi, la ligne dominante », il y avait aussi Abdjabar, Moncef Ben Hassen et Farhat Kammarti (qui étaient plus réformistes que nous !),  Le fait  de nous retrouver physiquement dans le même lieu que les militants de  « Amel tounsi, La ligne dominante » nous a influencé, nous étions jeunes, sans expérience… et surtout assoiffés d’appartenir à une organisation !

Sur place on avait le temps effectivement de choisir son camp.

Les camarades de Perspectives nous ont catalogués. Gilbert Naccache, Ahmed Ben Othman, Nourredine Ben Khedher et les autres, même si nous avions des discussions, ils considéraient de toute façon que, comme on venait du mouvement étudiant qui avait choisi la violence et l’activisme,  nous étions des gamins, qu’on ne valait pas grand-chose et surtout que l’on n’avait pas de leçon à leur donner à  eux les grands militants ! À l’époque, j’avais 20 ans, Gilbert s’approchait de la quarantaine, la différence d’âge est énorme sans compter la différence de maturité !

Même Hamma et Kilani avaient du mal à nous raisonner. Nous étions prêts (certains parmi nous) à nous évader de la prison quitte à avoir une confrontation violente avec les gardiens.

Nous avons vécu environ 3 ans ensemble, mais certains ont été libérés en 79 au bout de 2 ans.

Il y avait un pacte entre les camarades de Perspectives et de Amel Tounsi, ce pacte on le respectait et quand on était ensemble avec Gilbert Naccache, Ahmed Ben Othman (surtout), Noureddine Ben Khedher on donnait notre point de vue, on se respectait. Ils savaient que nous étions plutôt sympathisants de Amel Tounsi, nous soutenions les positions de Hamma et ses compagnons, on a d’ailleurs consolidé leur position. A titre d’exemple, au moment du procès de la direction syndicale ouvrière, Habib Achour, Taieb Bacchouche et Abderrazzak Ghorbel (qui ont « séjourné »  également à Borj Erroumi en 1978), nous nous sommes tous réunis le jour du jugement, les 40 détenus Perspectives, Amel Tounsi et le groupe des étudiants de Bardo 2 . Et comme le rappelait Hichem, nous sommes les héritiers de Perspectives ! On a fait de la surenchère ! On voulait avec certains camarades, faire une grève de la faim de trois jours, alors qu’on considérait, quelque temps avant, que Habib Achour faisait partie de la bureaucratie syndicale voire on le comptait parmi les anti patriotes !!!. Les camarades Gilbert, Noureddine, les anciens, comme on les appelait, et ceux du procès de 74 : Amar Zemzemi, le regretté Fethi Mseddi, Nouri Bouzid et Ezzedine Hazgui, préféraient faire une journée symbolique de grève de la faim, pour marquer le coup afin d’exprimer notre opposition à la condamnation et le jugement  des syndicalistes sans aller plus loin. Alors que nous, on était dans une logique plutôt maximaliste : aller le plus loin possible.

Donc, mes 20 ans je les ai passés effectivement avec les grands et vraiment ces années ont été des années précieuses. On était tous ensemble, on partageait tout. Les mandats que les familles envoyaient, étaient partagés. Simone ou Aïcha (la femme de Noureddine) notamment, envoyaient très souvent une aide financière qui allait dans le pot commun de tout le monde. Certains ne recevaient rien de leurs familles, mais ils recevaient leur part comme les autres. Mais en politique, on se battait effectivement, on se permettait de ne pas être d’accord.

Aujourd’hui, j’ai 56 ans,  si je dois quelque chose à l’État tunisien, c’est d’avoir  fait de nous, sans le vouloir, (et je ne veux pas lui rendre hommage), des militants. Dans mon cas j’étais déjà militant, mais j’aurais pu partir combattre en Palestine ou ailleurs pour une autre cause. J’estime que le fait d’avoir était condamné de cette façon là, même si c’était injuste, m’a permis de rencontrer des camarades de grande qualité, de Perspectives pour les anciens et de Amel tounsi. Hamma et les autres, nous ont permis de nous assagir et de voir les choses d’un autre œil. Cela a renforcé  notre participation aux luttes citoyennes et populaires.

Aujourd’hui, je suis membre du conseil d’administration de cette association Perspectives/Amel Tounsi France, je suis aussi au Bureau de la coordination du Front populaire de Tunisie en Ile de France. Je suis fier  d’être avec vous et d’avoir apporté ce témoignage.

J’espère terminer le texte que je suis en train d’écrire sur mon expérience en prison, comme certains de mes camarades qui m’ont devancé.

Merci beaucoup.

 

Intervention au Colloque pour le cinquantenaire de
Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

Leïla Zaïbi

Avant d’introduire le premier intervenant de la deuxième partie de ce colloque intitulée « Rôle historique de l’émigration », je profite du micro pour dire quelque chose qui me tient à cœur.

Je tiens, pour la mémoire, à évoquer les camarades absentes, qui autant que les hommes ont participé et participent encore au combat.

Pour la mémoire, je tiens à dire ce que la réalité nous prouve aujourd’hui plus que jamais,  à savoir que les femmes sont le maillon faible de la société auxquelles s’attaquent la réaction et le patriarcat dans chaque état de crise, pour asseoir son pouvoir.

Pour la mémoire et la transmission, je souligne que l’ignorance de la question des femmes dans le discours politique,  par le passé comme dans le présent, ne peut que servir nos adversaires et amoindrir notre cause.

Il n’y a pas de révolution sans les droits de l’Homme il n’y a pas de droits de l’Homme sans un grand F, il n’y a pas que le grand H, en face, il y a le grand F !

Sociale et politique, la liberté est un bien partagé entre l’homme et la femme.

Je tenais à dire rapidement ceci, pour marquer l’instant présent et rappeler les camarades dont on ne parle pas. Celles qui, aussi, ont subi la torture et les poursuites et qui ont résisté héroïquement.

Je ne peux pas toutes les nommer, mais je pense à Faïza ben Youssef, Dalila Ben Othman, Emel ben Abba, Zeineb Cherni, Sassia Rouissi, Behija Ouezzini-Ben Hiba, Aïcha Guellouze, Aïcha Ben Abed, Dalila Mahfoudh, Sihem Ben Seddrine, Leïla Blili-Ben Temime, Rajè Fenniche  et tant d’autres femmes.

Merci.

Je donne la parole à Béchir pour son témoignage.

 

Le mouvement de Février 1972 et les mutations des années 70

Hichem Abdessamed

 Intervention au Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

J’ai été acteur du mouvement de février 1972 et je vais vous raconter comment je l’ai vécu.
Ma première année de Fac. a correspondu à cette année mythique ! J’étais jeune étudiant.

Mon témoignage va être banal après ce qui a été dit tout à l’heure, aussi instructif qu’émouvant, par les anciens. Les années 70 ne sont plus les années 60. C’est un autre contexte.

Je n’aurais peut-être pas le temps de détailler le nouveau contexte dans lequel un nouveau cycle va être amorcé. Je vais essayer de témoigner de ce que j’ai vécu en février 72. Une immersion pour moi aussi, à 20 ans dans la cour des grands ; j’aime bien ce titre de mon ami Ahmed. Je vais essayer aussi de prendre une autre casquette avec le recul de l’historien, en n’étant pas dupe et vous non plus, du jeu qu’il peut y avoir, dans la promenade entre l’observateur froid et l’acteur nostalgique.

Je rappelle les faits très vite. A la rentrée de 1972, tout le monde,  étudiants syndicalistes mais aussi les autres étudiants avaient eu en écho de ce qui s’était passé l’été d’avant, en août 71 précisément, au fameux congrès de Korba. C’était une répétition à l’échelle nationale de ce qui s’était passé à l’échelle parisienne en 1963, une sorte d’extorsion de légitimité par des putschistes du Neo-Destour et du PSD (comme il s’appelait à l’époque). Cela a privé les étudiants d’une autonomie syndicale. C’est la première chose.

Si on devait résumer l’essentiel des événements de février 1972, c’est une sorte de réédition sauvage, d’un congrès sauvage pour répondre à ce putsch.  Cela se fera dans une sorte d’euphorie un peu festive, dans une sorte de joyeux bordel, il faut le dire, c’est comme cela qu’on l’a vécu.

En fait, le moment déclencheur n’était pas exactement le congrès qui se fera à ciel ouvert au campus, mais c’est le procès Ben Othman, Simone et Ahmed. Cela va déclencher un processus qui va aboutir au congrès du 5 février 72. Moi, de mon côté, petit étudiant migrant à pied de l’École Normale Supérieure vers le Campus tous les jours, il se trouve que la cité universitaire où j’habitais se trouve à deux pas. Le Campus se trouvait dans une espèce de désert qui s’appelle aujourd’hui El Manar. C’était une atmosphère de fête incroyable, on y allait tous les jours, les promesses de notre année de terminale qui nous ferait entrer de plain-pied dans l’histoire, ces promesses là ont été tenues ; on était vraiment embarqués dans quelque chose qui nous ébahissait, on n’en croyait pas nos yeux. Les débats démocratiques étaient d’une puissance incroyable, entrecoupés comme aujourd’hui de poèmes. Je me souviens du grand poète tunisien Moncef ;;;; qui sera connu par la suite, Tahar Hammami (le frère de son frère !) et d’autres. Ce sens de la fête et de la démocratie était encore possible dans le mouvement étudiant. Je ne savais pas à l’époque que ce serait l’apogée, qu’on allait assister par la suite à quelque chose de plus morose. Toujours est-il que ce moment-là, a été une véritable joie pour moi personnellement, et en même temps un sentiment de participer à une histoire en train de se faire.

On a tout eu :

  • les flics qui entouraient les congressistes du Campus, tous assis dans une discipline incroyable,
  • les bombes lacrymogènes, le parfum historique des bombes lacrymogènes dont on rêvait quand on était lycéen !
  • la fuite vers les quartiers populaires, à l’époque c’était Djebel Lahmar puis vers Ras Tabia, toute une nuit à avoir peur d’une attaque des flics.

Par la suite, tout le monde s’est éparpillé dans tout le pays parce que l’université a été fermée, mais le mouvement a eu des prolongements, parce qu’on était plus que fiers et même un peu arrogants d’avoir participé au mouvement de février 72.

Voilà quelques uns de mes souvenirs de jeunesse, je les garde chaleureusement car ils me font chaud au cœur, de temps en temps.

Mais il n’y a pas que ça, il y a aussi le désenchantement qui viendra par la suite parce qu’il faut nommer les choses.

Je vais quitter maintenant ma casquette de témoin, pour esquisser quelques idées et questions.

Est ce que ces évènements auxquels nous avons assisté, ont été en quelque sorte l’œuvre principalement de Perspectives ? Cette histoire reste un peu opaque, il y a beaucoup de choses qu’on ne sait pas. Mais on peut dire que c’était une contribution importante à ce qui a été la première dissidence face à l’autoritarisme que Bourguiba a construit et imposé à la société tunisienne. C’était une première dissidence de la société civile qui prouvait que la société ne se laissait pas faire devant cet édifice difficile à fissurer. C’était l’œuvre des étudiants de la fin des années 60 et du tout début des années 70. Cette œuvre-là restera, elle a marqué la première fissure dans cet édifice autoritaire.

Puisque l’on parle de la contribution de Perspectives, ce qui est sûr, c’est que c’est une contribution dans la direction de ce mouvement mais on ne sait pas assez jusqu’à quel point. Pas plus tard qu’hier on a parlé avec Brahim du fameux secteur H qui dirigeait, qui était en coulisse de Korba et du mouvement de février, qui encadrait les étudiants qui évoluaient dans le sillage de Perspectives ou qui étaient carrément membres. On ne sait pas toujours qui a fait quoi, et même les acteurs sont encore taiseux jusqu’à aujourd’hui, c’est bizarre. Il faudra qu’ils s’ouvrent un peu aux enquêtes des historiens qui commencent.

Grâce au cinquantenaire, beaucoup de choses commencent à sortir :

  • les archives,
  • les témoignages, sur une histoire qui est restée longtemps tabou,
  • les photos, que l’on ne connaissait pas et qui circulent aujourd’hui,
  • d’autres contributions.

Mais on ne sait toujours pas, combien d’étudiants étaient dans le secteur H. Je suppose que l’on pourra le savoir. D’autre part, la militance ou l’appartenance à Perspectives est quelque chose d’assez flou à préciser : il y a ceux qui militaient sans être encartés, ceux qui étaient à la direction et ceux qui plus récemment ont rencontré Brahim ou d’autres et du coup deviennent d’anciens Perspectivistes !

Retisser le fil ou retrouver le fil de cette histoire-là n’est pas facile à faire. Toujours est-il que le fin mot de l’histoire n’est pas dit.

Mais on sait quelque chose d’essentiel : l’histoire de la première dissidence que je viens d’évoquer.

Maintenant, pour ce qui est de la zone d’ombre de cet apogée : à partir de 1972, il va y avoir une sorte de dérive démocratique, il faut bien dire les choses telles qu’elles sont. Cette dérive, c’est celle du « désapprentissage » de la lutte syndicale. Ce qui s’est passé en 72, est un moment de lutte démocratique syndicale, d’une autonomie arrachée et pratiquée sur le terrain. Ce qui va arriver par la suite, c’est lié aussi à ce qui se passe à Perspectives, dans le gauchisme tunisien et dans la gauche tunisienne plus généralement. Je n’aurais pas tout le temps de détailler, d’autant que cela nécessite un débat.

Toujours est-il, que ce decrescendo donc, si vous permettez l’expression, a existé. On a désapprit le syndicalisme, on a appris les querelles de chapelles et d’une manière parfois très violente. Cela explique l’état actuel de l’UGET, qui revit, on a  à peine le temps de se réjouir qu’elle puisse revivre, qu’elle retrouve ses anciens démons de la division.

Je suis certain, que l’on réussira à vaincre ces démons-là, que cette division pourra être combattue et que la conversion de la gauche, des étudiants et du syndicalisme étudiant à la démocratie se fera. J’en suis certain, mais c’est vrai qu’il faudra, en attendant, non seulement remettre les petits bouts de mémoire ensemble, pour essayer de comprendre notre histoire, y compris avec ses zones d’ombre et construire une gauche démocratique qui sera demain la garante d’un mouvement étudiant qui renoue avec le mouvement de 72, dans son expression la plus belle et non pas avec ses dérives ultérieures.

Je vous remercie.

 

Témoignage d’une expérience dans les milieux ouvriers en France

Béchir MSALLEM

 Intervention au Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

J’ai adhéré à Amel Tounsi en Tunisie en 1974. J’ai participé au mouvement étudiant tunisien et après mon arrestation en Tunisie je suis venu en France. Lorsque je suis arrivé ici, j’ai adhéré et j’ai participé à l’UGET. J’étais toujours dans le milieu étudiant, à la Cité internationale, au Quartier latin, à l’Université. Mais avec Lamine Zgolli, nous avons décidé d’aller aux foyers SONACOTRA. J’étais très motivé et enthousiaste. Il y avait dans ces foyers pas mal de travailleurs immigrés qui venaient du Sud, Zarzis, Mareth ; je connaissais donc, pas mal de gens. Cela facilite, si j’ose dire, l’intégration !

La SONACOTRA est un organisme semi-public créé pour loger les travailleurs immigrés qui viennent du Maghreb ou d’Afrique Noire.

Le contexte : il y avait déjà un mouvement dans les foyers. En effet la SONACOTRA avait augmenté les loyers et malheureusement c’était trop élevé pour les travailleurs. Ils avaient donc lancé une grève des loyers à l’échelle nationale  et créé un Comité de Coordination.

En même temps, dans les bidonvilles à Massy et à Nanterre, les travailleurs immigrés avaient le soutien de plusieurs organisations – elles ne sont pas nombreuses, je peux les nommer : le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), une association de chrétiens de gauche, le Front Rouge, le Secours Rouge, le PCMLF, ce qu’on appelle l’extrême gauche en général. À cette époque-là l’extrême gauche pensait que les travailleurs immigrés étaient l’avant-garde de la classe ouvrière, ils croyaient à la ligne révolutionnaire. Pour eux, le parti communiste et la CGT sont réformistes et donc les travailleurs français sont dirigés par une organisation réformiste. C’est pour cela qu’ils misent sur les travailleurs immigrés et soutiennent leurs luttes. Aujourd’hui encore, je les remercie infiniment de ce soutien.

C’est dans ce contexte que je suis allé aux foyers SONACOTRA de Massy, des Ulis, d’Évry ; on a commencé à discuter et à soutenir les luttes des travailleurs immigrés de la SONACOTRA.

– tout d’abord au niveau des loyers.

Il y avait déjà une grève des loyers à Garges-lès-Gonesse et la SONACOTRA avait expulsé les travailleurs immigrés de ce foyer. Il y a donc un grand mouvement de soutien aux travailleurs immigrés et moi personnellement j’y ai participé.

– Ensuite il y a eu la demande de l’égalité de salaire entre travailleurs immigrés et français avec le slogan connu « Français, Immigrés, même patron, même combat ».

– Un autre au niveau de revendication a été la constitution des Comités de Résidents dans les foyers SONACOTRA. Les travailleurs immigrés voulaient être considérés comme locataires et constituer des comités de résidents qui gèrent le foyer avec la possibilité de circuler et d’accueillir leurs amis dans le foyer. À cette époque la SONACOTRA empêchait les amis des travailleurs immigrés d’entrer dans le foyer. C’était la dictature au vrai sens du terme. Lorsque ce mouvement-là a été créé, on a participé en tant que Amel Tounsi  à ce mouvement.

– Il y a aussi le problème de la régularisation des papiers. Nous avons accompagné les travailleurs immigrés auprès des préfectures, des sous-préfectures, des commissariats. On les accompagnait aussi à la sécurité sociale, pas à pôle emploi parce qu’à cette époque là, si tu veux travailler tu trouves du travail. C’est rare de trouver un travailleur immigré au chômage, sauf ceux qui viennent d’arriver et qui n’ont pas encore leurs papiers. C’est-à-dire les sans-papiers ou les clandestins.

On a donc créé un mouvement pour soutenir les travailleurs immigrés en les accompagnant auprès des patrons, parce qu’ils ne parlaient pas français en général, à la sécurité sociale pour des problèmes  d’accident de travail et aussi pour l’alphabétisation.

Je découvre que les travailleurs immigrés, quoi qu’ils disent, connaissent la législation du travail ; à force de discuter sur les conditions de travail, ils ont acquis une formation. Moi personnellement, j’étais formé  par les discussions dans le milieu étudiant à la Cité Internationale mais j’ai été formé sur la législation par les travailleurs immigrés.

– Après ça il y a eu une grande vague de jeunes qui viennent de Tunisie et qui n’avaient pas de papiers. Alors, j’ai décidé, avec un camarade de Amel Tounsi qui s’appelle Taieb, d’organiser une grève de la faim. on a trouvé 21 personnes et avec le soutien de l’extrême gauche en général, on a créé un Collectif. La grève de la faim a commencé à l’église Saint-Paul à Massy. Moi je n’ai pas fait la grève de la faim, j’étais organisateur avec le camarade Taieb et un camarade algérien. On a tenu 21 jours et le 10 mai 1981, suite à l’élection de François Mitterrand on a gagné ! Le lendemain le préfet m’appelle personnellement et il dit « on ne régularise que les 21 personnes » ; je dis « c’est pas possible, les 21 personnes qui étaient là représentent tous les travailleurs qui n’ont pas de papiers », il dit  « non ». J’ai dit «  pas question, on continue ». Le parti socialiste qui à l’époque venait d’accéder au pouvoir, nous dit « le préfet a raison ». J’ai dit « nous n’acceptons pas ça ».

On a fait un grand rassemblement à Palaiseau, au temple protestant, avant on était chez les socialistes maintenant on était chez les communistes ! On a fait un grand rassemblement et Massy est devenu le centre de tous les sans-papiers. On a créé un élan, j’ai contacté la CGT et le parti communiste français qui nous ont aidés, on a ouvert la régularisation de tous les sans-papiers au niveau national.

Cette action des sans-papiers a été un succès !

– On a continué ave le regroupement familial. Les jeunes qui ont obtenu leurs papiers, ils ont réussi à faire le regroupement familial. Au niveau de l’immigration il y avait la première génération qui n’attend que leur retraite pour retourner au pays. Les jeunes, ils veulent rester ; c’est pour cela maintenant que l’on parle de la banlieue, la banlieue c’est grâce au regroupement familial. La première génération ils prennent leur retraite et ils partent, même s’ils sont en longue maladie ou en invalidité, il partent, ils ne laissent rien. Les jeunes, après 81 ils ont gagné.

Je veux évoquer l’aspect politique. Le 26 janvier 1978, à Amel Tounsi, on appelle le « jeudi rouge », jeudi noir ? Non, nous on l’appelle le jeudi rouge, on a d’ailleurs fait une brochure qui s’appelle « le jeudi rouge » ….. On a organisé un meeting où de nombreux travailleurs tunisiens ont pris la parole. Ils sont venus manifester à Paris à côté des étudiants, les étudiants de l’UGET sont allés aussi à Massy. C’était réussi. On a organisé des débats, c’est vrai le langage que l’on tient aux travailleurs immigrés n’est pas le même que dans le milieu étudiant.

Le tiers-monde, la guerre du Vietnam, , après ce que l’on a appelé « Septembre Noir », c’était très facile de parler politique avec les travailleurs immigrés. Ils nous soutiennent en général et adhèrent à nos idées. Depuis cette date, disons 79-80, il n’y a malheureusement plus de dirigeants de Amel tounsi en France. Certains sont partis en Tunisie, et même ceux qui sont restés, on ne les a plus vus. On a donc créé notre mouvement autonome ou presque, seuls.

J’avais le soutien de Saloua Kammarti, et donc de la CGT, de Mohamed Jaoua.

Je dois rappeler aussi que lorsque Habib Achour a été libéré avec ses camarades, il nous a rendu visite à Massy. On a organisé un grand meeting avec lui, le 1er mai à la Bourse du Travail de Massy, qu’il a présidé. Il a ensuite dîné à Massy. C’était un grand plaisir que Habib Achour vienne à Massy.

C’est après qu’on a créé l’ATF (Association des Tunisiens en France) à Massy au sein de l’ATF nationale, et on a continué.

Malheureusement, Amel Tounsi n’est plus. Il n’empêche que les idées continuent.

Si on essaie de faire le bilan comme cela a été fait tout à l’heure : ni dogmatisme, ni idéologie,  ça ne marche pas chez les travailleurs immigrés. La ligne politique révolutionnaire doit être rectifiée. Il faut défendre la démocratie.

Vive la Tunisie, vive la révolution. Merci

 

Les luttes de l’Immigration, partie intégrante de la lutte du peuple tunisien

Tarek Ben Hiba

Intervention au Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

En général, quand on parle des luttes de l’immigration, on a souvent en tête le rôle des associations, du mouvement associatif de l’immigration tunisienne.

Cela est complètement juste, mais ce n’est pas suffisant. La lutte de l’immigration, je parle plus précisément de la lutte auprès des travailleurs tunisiens, a aussi concerné les politiques. Je rappelle qu’il y a eu un grand mouvement politique ouvrier maghrébin, le Mouvement des Travailleurs Arabes, le MTA. En ce qui concerne mon organisation chérie qui est encore présente dans mon cœur, Amel Tounsi, elle a développé un travail auprès des ouvriers tunisiens. Béchir M’sallem a parfaitement illustré cet aspect là. C’était une organisation politique de gauche marxiste qui s’est occupé, comme tout mouvement marxiste qui se respecte, des travailleurs et des ouvriers.

L’intitulé de mon témoignage sur le programme est : la lutte de l’émigration. Personnellement je préfère utiliser le terme de immigration car, ici, nous sommes des immigrés ; je préfère parler à partir de là où je suis, l’histoire s’écrit là où on est ; je préfère donc parler de l’immigration et cela a un sens auprès des gens, c’est le I qui a gagné le E.

Nos luttes en France pose la question de la citoyenneté et de la double appartenance : est-ce qu’un émigré en France fait partie du peuple de France ? la question bien sur se pose sur l’autre rive : Un immigré africain fait-il partie du peuple tunisien ? Ce ne sont pas des questions inutiles parce qu’à travers elles, on pose des questions fondamentales à nous progressistes, des questions de droit et d’égalité des droits. Des questions de l’universalité des expériences humaines au-delà ou par-delà leurs territoires Je tiens à dire que je ne suis pas spécialiste de ces questions, je ne fais qu’un témoignage ; je demande donc votre indulgence pour le débat, s’il y a débat. Mais pour ma part, je pense que la meilleure définition d’un peuple, c’est un ensemble de gens qui vivent sur un même territoire et qui ont des liens sociaux ou autres, une histoire commune. A bien regarder lorsqu’un tunisien qui quitte son pays, il ne le quitte jamais définitivement, il revient tous les ans, il reste lié par la radio, les informations, la télé et souvent par sa volonté d’y être enterré. Je dirais donc qu’il est à la fois, partie intégrante du peuple tunisien, mais il a vocation aussi, à faire partie du peuple de France. Le peuple de France n’est pas un parti de gaulois, c’est un peuple de citoyens, quelle que soit leur race, leur religion et leurs idées. Je pense que cette conception devrait nous rassembler contre toutes les formes d’obscurantismes et de chauvinismes.

L’histoire nous apprend que dans les pays où il y a des diasporas et des immigrations, on s’aperçoit que ces immigrés ont toujours joué un rôle politique important et parfois majeur. Depuis Messali Hadj, dont on a parlé, un emblème de notre lutte jusqu’à, excusez moi, Marzouki, Néjib Chebbi ou même Ghanouchi, il y a toujours eu des mouvements politiques qui ont eu des directions dans la diaspora avec des allers retours. Les frontières ne sont jamais infranchissables. Quand vous entendez quelqu’un qui vous dit « ce sont des gens de l’étranger, méfiez-vous », c’est parce qu’en général, il n’est pas d’accord avec ce que vous dites et est à cours d’arguments convaincants. L’histoire a montré, vous le savez peut-être certainement mieux que moi, qu’en Russie, au Maghreb, en Indochine, dans ces pays-là il y a eu des directions basés en France ou ailleurs. La même histoire s’est produite pour le mouvement Perspectives, créée en France puis parti en Tunisie, il y a eu longtemps des va-et-vient.

Personnellement j’appartiens au deuxième chapitre de Perspectives/Amel Tounsi. Mais pour moi, il y a une continuité. D’abord, parce que les premiers tracts que j’ai distribué en décembre 1972 étaient signés du : « Groupe d’Etudes et d’Action Socialiste Tunisien – Perspectives/Amel Tounsi, section de Nice ». Cette expérience a été dure, conflictuelle. Je pense que j’ai fait partie de ceux qui ont essayé de piquer la boutique à nos camarades qui étaient en prison. Ils nous ont laissé une organisation avec une ligne politique, quand ils sont sortis ils ont trouvé une autre ligne. Mais on ne peut pas nier qu’on a pu tisser des liens entre les différentes générations. Je me suis aussi retrouvé dans cette histoire de Perspective généreuse, soucieuse de droits de l’homme et de revendications démocratiques, peut être un peu plus que notre génération. Donc pour moi, il y a toujours eu des liens.

Au niveau de l’immigration, la véritable histoire de la section de Amel Tounsi de Nice, commence un certain 22 février 1973, lorsque 10 travailleurs immigrés tunisiens s’installent au Monastère Franciscain de Cimiez, à Nice, pour y entreprendre une grève de la faim en vue de d’obtenir des papiers. Parmi eux il y avait un camarade ouvrier, un certain Azzedine Bannour qui a été emprisonné avec Hichem et moi (de février à avril 1975). Cette grève a été initiée, préparée, portée par la section d’une organisation politique de gauche tunisienne ! Cela fait partie, au même titre que les associations de notre histoire, de l’histoire des luttes. Il y a eu des milliers de tracts, des manifestations et cela s’est terminé par un bureau donné par l’union départementale de la CFDT qui était plus réceptive que nos camarades marxistes léninistes révolutionnaires (à l’époque du Parti Communiste) à nos luttes. La CFDT avait comme fonction, entre autre, d’aider les gens à obtenir des papiers. Pour eux  il était évident que l’émancipation des ouvriers commence par le droit d’avoir des papiers.

Pourquoi a-t-on pu réussir ?

L’histoire de Perspectives/Amel Tounsi, c’est l’histoire du mouvement étudiant à Paris, les grands meeting etc… mais c’est aussi l’histoire de 3 ou 4 sections ouvrières portées par des camarades partis de Montpellier, pour s’installer à Nice, Marseille, Lyon, Saint Etienne.

Pourquoi Nice ? Parce qu’il y avait une grande concentration de travailleurs immigrés, en majorité originaires de Msaken et de Nefzaoua du gouvernerat de Kébili. Ils résidaient dans un bidonville qui était sur la route de Dignes, près du stade de l’Ouest et qui s’appelait « Oued ça Loura » (le fleuve Saint-Laurent !). C’est la où on a milité, où on a essayé d’accomplir nos rêves de conscientisation des ouvriers.

En fait nos revendications on peut les diviser en trois parties :

– la question des droits, je viens d’en parler,

– la question de la démocratie, Béchir aussi y a fait allusion. Nous étions  quand même, une organisation où on voulait la peau de tous les dirigeants qui étaient des tyrans, des gens qui torturaient. Le régime de Bourguiba, c’est quand même l’assassin de Salah Ben Youssef, on ne l’a jamais jugé, même d’un point de vue historique. Cela a été dit par mes camarades, la question démocratique, la question du pouvoir politique, était difficile à aborder,  mais on le faisait à travers nos tracts, à travers nos journaux, et on essayait de placer un peu d’éléments de conscientisation là-dessus.

– La troisième question, vous savez parfaitement que dans l’immigration, c’est la solidarité avec la Palestine. A telle enseigne que, lorsque nous avons changé de ligne, nous avons abandonné le journal qui parlait la langue du peuple, c’est à dire le dialectal tunisien, pour l’arabe littéraire. Je pense qu’on aurait du garder les deux formes d’expression littéraire et dialectale qui ont des fonctions complémentaires mais différentes. On a accompagné tout ce mouvement-là par l’envoi d’une délégation de 15 camarades, pour faire un stage auprès du FPLP en septembre 1974. J’ai fait partie de cette délégation, ainsi que Néjib Chebbi, il faut lui rendre justice. Nous avons essayé d’accompagner cette question qui était très importante, dans les organisations politiques, dans les associations et chez les gens. Arafat a dit un jour « la question palestinienne en France est une question maghrébine » !

Qu’est-il sorti de tout cela ? Vous êtes tous au courant que la gauche n’a pas gagné sinon cela se saurait. Mes propos sont une autocritique bien sûr, mais adressée à qui et comment ? On avait 20 ans, la jeunesse n’excuse pas tout hélas, je le sais. On ne faisait pas de la politique comme on en fait maintenant c’était, beaucoup plus idéologique que politique. On avait une explication à tous les problèmes. Staline disait, c’est le seul point d’accord que je peux avoir avec le camarade Staline, c’est quelqu’un qu’il faut combattre parce qu’il est responsable de l’échec de l’expérience socialiste et de centaines de milliers d’assassinats, il disait «notre expérience est positive à 70 % et négative à 30 % ». C’est une  simplification  d’un monde compliqué.

On voulait faire la révolution avec  des analyses solides, généreuses, mais somme toute, assez simples. Cela ne nous a pas aidés à gagner.

La répression

La moitié de notre section sur ordre de notre direction, a rejoint la Tunisie pour faire la révolution en octobre 1974, donc la section a complètement explosé. Bien sur on s’est retrouvé en prison plutôt que derrière les maroquins ministériels. C’était pratiquement écrit d’avance. On a échoué comme tout le monde à cause de la répression, de la limite de nos analyses, mais je pense qu’on a été présent dans les luttes de notre peuple, on a fait parti d’un mouvement marxiste tunisien. Et cela n’est pas un fait anodin.

Je voudrais terminer par rapport à cette polémique du rôle de la gauche : nous n’étions pas les suppôts de Bourguiba cela s’entend, encore moins de Ben Ali, nous ne sommes pas responsables de quelques camarades qui ont été avec nous il y a 30 ans et qui ont intégré le RCD, nous ne sommes pas des collabos, nous ne sommes pas des « takfiristes » nous voulons travailler ensemble à un autre monde meilleur et cela est possible.

Je pense que cette histoire est très importante pour l’avenir, parce qu’elle a existé !

On attend que la jeunesse reprenne le flambeau avec peut être de nouvelles analyses parce qu’évidemment le monde a changé même si la tyrannie et la misère persistent.

Merci.

 

Les Amis de Perspectives – Témoignage

Marcel Maarek

Intervention au Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

Après avoir entendu les interventions de la première partie qui analysaient avec précision l’histoire de la création de Perspectives, j’ai l’impression que ma seule contribution possible est de parler de la «préhistoire» de l’extrême gauche en Tunisie, avant 1963. En particulier du Parti Communiste Tunisien, de ses problèmes, ses conflits et de son évolution.

Je prends comme point de départ l’année 1956 car, en regroupant des notes à ce sujet, je me suis aperçu que cette année 1956 est incroyablement riche en évènements qui vont changer la face du monde.

  • février : rapport de Khrouchtchev dénonçant les crimes de Staline. Les répliques de ce tremblement de terre dans l’extrême gauche se font encore sentir aujourd’hui.
  • juillet : déclaration de Brioni faisant suite à la Conférence de Bandung qui crée le mouvement des non-alignés entre l’URSS et les Etats-Unis.
  • juillet : nationalisation du Canal de Suez qui sera suivi, en octobre, de l’attaque israélienne puis de celle de la France et de la Grande-Bretagne. Cette attaque sera stoppée par les Etats-Unis et l’URSS.
  • mars : indépendances du Maroc et de la Tunisie.
  • octobre : soulèvement en Hongrie qui sera noyée dans le sang.

Il ne faut pas oublier que ces évènements sont précédés, en 1954, par la défaite française à Dien-Bien-Phu qui amènera la fin de la Première Guerre du Vietnam (celle avec la France). C’est immédiatement après l’accord de paix de Genève que Pierre Mendès-France, Président du Conseil, se rend à Carthage.

Le 31 juillet 1954 donc, P. Mendès-France se rend à Carthage et prononce le discours qui accorde, «sans arrière-pensée», l’autonomie interne à la Tunisie. Les négociations commencent immédiatement et l’accord sera signé en juin 1955. A cette époque, Bourguiba approuve cette approche mais on observe deux oppositions : celle de Salah ben Youssef et celle du Parti Communiste Tunisien. Dans un communiqué, le Comité Central du P.C.T., affirme que «l’autonomie interne est un obstacle à l’indépendance».

On ne peut comprendre cette position (qui sera, plus tard,  l’objet d’une autocritique), qu’en la liant à la position du Parti Communiste Français. Le P.C.F. s’estimait proche de la prise du pouvoir et affirmait que les colonies devaient former, avec la métropole une «véritable Union Française». La guerre d’Algérie avait commencé quelques temps auparavant et le P.C.F. affirmait que l’Algérie était une «nation en formation».

Le groupe des étudiants communistes tunisiens à Paris (dont les chefs de file Azzedine M’barek et Nourredine BouArrouj) était opposé à cette position. Certains à Tunis les rejoignaient, en particulier Abdelhamid ben Mustapha.

Lors du 6ème congrès du P.C.T. en décembre 1957, la direction va reconnaître ses erreurs. Une nouvelle direction est mise en place, incluant des militants de Paris alors que d’autres étaient éliminés. J’ai moi même fait partie du comité central jusqu’ à ma démission en 1965.

Cependant, le groupe des étudiants de Paris avec Azzedine Mbarek, Hédi Kammoun dont le nom a déjà été cité et d’autres, adhère en 1958, au mouvement trotskiste, introduisant une nouvelle rupture.

Le conflit entre la Chine et l’URSS à partir de 1959 ( ?) va aggraver les divisions du mouvement révolutionnaire en général, La direction du parti communiste tunisien se rangera du côté de l’Union soviétique.

C’est dans ce contexte qu’un nouveau groupe va apparaître, c’est celui de Perspectives.

Pour terminer et puisque l’on a parlé des droits de l’homme, je voudrais rappeler le nom du docteur Slimane Ben Slimane, pour le rôle important qu’il a joué dans la lutte pour la démocratie en Tunisie. On parle très peu de lui aujourd’hui, il est mort depuis  longtemps. Je l’ai bien connu et admiré. Il avait écrit un texte sur son expérience, il me l’avait fait lire puis il l’a repris et malheureusement ce texte n’a jamais été publié. *

Il a tout d’abord eu le courage de reconnaître ses erreurs pendant la guerre de 39-45, parce qu’il avait été dans le camp de ceux qui croyaient que l’Allemagne nazie pourrait libérer la Tunisie il n’était pas le seul, puisque, entre autres Habib Thameur avait défendu cette position.

Il sera après la guerre un grand défenseur de la démocratie. Membre du Bureau politique du Neo-destour, il était malgré tout un ami de Bourguiba bien qu’ils se soient lors de l’aventure malheureusement trop courte  du journal Tribune du Progrès, dont il fut le fondateur (le premier numéro de ce mensuel est paru en décembre 1960), et qui instaura un débat démocratique en Tunisie.

Tout cela s’est effondré à la suite du «complot» contre Bourguiba en décembre 1962, quand celui ci en profite pour liquider toute cette opposition et le journal « Tribune du Progrès » disparaîtra.

Je ne pouvais pas parler de l’histoire de la démocratie en Tunisie sans citer son nom.

Je vous remercie.

* Les souvenirs du Dr S. Ben Slimane ont en fait été édités en 1989 aux éditions « Cérès Productions » et préfacés pars son fils Moncef Ben Slimane. « Sliman Ben Sliman (1905-1986) – souvenirs politiques ».

 

Les Amis de Perspectives

 « Perspectives » initiatrice de la culture des Droits de l’Homme en Tunisie

Jean Pierre DARMON

 Intervention au Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

Bonjour,

Je prends la parole sans avoir été un militant de Perspectives, mais un ami de Perspectivistes ce qui est très différent ! Je ne vais pas m’étendre parce que nous sommes très en retard, je vais donc essayer d’être rapide.

Je voulais évoquer, mais je l’ai fait en d’autres circonstances, ma rencontre avec un certain nombre de Perspectivistes, non pas du tout sur une base politique mais parce que nous avions organisé à l’Université de Tunis, avec le médiéviste Alain Ducellier et l’angliciste Jean Gattegno, un auditorium de  poésie et de musique. Nous avons vu arriver à cet auditorium des jeunes gens curieux, ouverts, intelligents. Evidemment nous avons sympathisé et nous avons établi des liens qui souvent ne se sont pas défaits. Il me semble d’ailleurs, que mon voisin de gauche, Abdelwahab Meddeb, que j’avais alors comme étudiant en propédeutique, est venu assister à certaines de ces séances !

C’est comme cela qu’il m’a été donné de rencontrer celui qui m’est resté très proche, Ahmed Ben Othman Othmani, ainsi que tout ce groupe d’amis autour de lui. Je ne raconterai pas tout cela en détail, mais je voulais indiquer simplement que nous parlions beaucoup et que nous discutions beaucoup. Moi, qui n’appartiens pas à la protohistoire mais au paléolithique ancien, j’avais déjà viré ma cuti depuis 1956 très précisément, à la suite de l’événement, que fut la répression de  Budapest et qui m’a brusquement ouvert les yeux sur la réalité du stalinisme et m’a définitivement fait abandonner la pensée marxiste. Chaque génération a eu son moment où les yeux se sont ouverts.

En général, après avoir été prisonnier du système d’explication marxiste, chaque génération, à un moment donné, a ouvert les yeux et a compris que ça ne fonctionnait pas. J’étais donc dans cette position de distance intellectuelle par rapport à eux , qui partageaient un système d’explication de type marxiste, à dominante de plus en plus maoïste comme il a été dit tout à l’heure. C’est dire si nos discussions étaient vives.

Je ne vais pas m’attarder là-dessus parce que je voudrais surtout essayer d’expliquer l’intitulé de cette communication qui peut surprendre !

On nous parle ici de Perspectives « initiatrice » de la culture des droits de l’homme en Tunisie. Il est évident que la culture des droits de l’homme n’était pas du tout la position idéologique des Perspectivistes de l’époque. Mais je crois que l’on peut faire une explication de texte en modifiant quelque peu cet intitulé et en expliquant que ce n’est pas Perspectives qui a été l’initiatrice de la culture des droits de l’homme en Tunisie, mais que c’est la défense des Perspectivistes qui a été elle, en effet, initiatrice de la culture des droits de l’homme non seulement en Tunisie mais aussi avec des répercussions en France. C’est cela qui est intéressant.

Je ne vais plus maintenant parler des années  65/67 à Tunis que je viens d’évoquer, mais des années 68/69  à Paris, à l’époque où Abdelwahab Meddeb vivait mai 68 à l’Institut d’Art et d’Archéologie : je me souviens parfaitement de nos conversations d’alors dans le hall de la rue Michelet.

Que s’est-il passé quand il y a eu cette forte et violente répression contre les Perspectivistes à Tunis en 1968 ? Je me trouvais à Paris et je pensais retourner en Tunisie, puisque, à l’époque, j’étais enseignant à l’Université de Tunis, en disponibilité pour un an seulement. Je n’ai pas pu le faire parce que j’ai été impliqué dans le procès des Perspectivistes et condamné par contumace à cinq ans de prison. C’était la suite imprévue de mes vieilles aventures de militant, qui remontent à 1952, puisque, à cette époque, j’avais déjà fait le coup de poing dans la cour du lycée Carnot, après une manifestation d’élèves en faveur de l’indépendance de la Tunisie à laquelle j’avais participé.

Donc, dans les années 68/69 à Paris à la suite de la répression des Perspectivistes et à l’instigation de Simone Lellouche, pas encore Othmani à l’époque, mais qui était déjà très liée à Ahmed, et qui ne nous laissait aucun répit, aucun droit de somnoler….., nous avons organisé un Comité de Défense des prisonniers politiques en Tunisie ; comme d’ailleurs pendant ce temps là en Tunisie, avait été constitué le Comité pour la défense de Mohamed Ben Jennet.

C’est donc à cette époque qu’a été initié, même chez les marxistes les plus révolutionnaires, le recours au droit comme défense des victimes de l’oppression.

Nous avons tout de suite pris contact avec des avocats, avec la Ligue des Droits de l’Homme, nous avons essayé de contacter la Presse. En fait la défense des prisonniers politiques de Tunisie a été pour nous l’occasion d’une véritable éducation politique. Nous nous sommes rendu compte de tous les instruments juridiques et de presse que l’on pouvait précisément utiliser pour la défense des libertés. Cela été pour nous également l’occasion de nombreuses rencontres. Je ne parle ici que pour moi – je me souviens que nous étions nombreux et que chacun menait son combat de son côté – mais cela m’a été l’occasion d’oser aller voir André Fontaine, alors rédacteur en chef du journal Le Monde, alors que jamais je n’aurais eu l’idée de le faire, et d’obtenir que Le Monde publie quelques lignes sur la répression en Tunisie. Cela a été l’occasion pour moi de contacter l’hebdomadaire américain Newsweek,  et de converser avec son rédacteur en chef d’alors, Édouard Behr, pour obtenir qu’on en parle. Cela été l’occasion pour moi de connaître la revue Esprit et de donner à cette revue un article assez fouillé et utile, pour dénoncer l’autoritarisme et l’autocratisme bourguibien de l’époque. C’était quand même une autocratie assez sage pour garder en vie toute l’assemblée qui est là devant moi aujourd’hui !

Nous avons surtout fait une découverte extrêmement importante, qui a été la découverte d’Amnesty international. Je dois dire que je l’ai faite par une série d’enchaînements. Comme j’étais maintenu à Paris et que j’étais universitaire, je suivais des séminaires et en particulier le séminaire de Pierre Vidal-Naquet. Quand il a été question de la défense des droits, je me suis aussitôt adressé à Pierre Vidal-Naquet pour lui demander conseil. Il avait un réseau de connaissances immense, et il m’a immédiatement orienté vers une vieille amie à lui pour laquelle il avait une très tendre affection, Maria Jolas, militante américaine vivant à Paris et mère de la compositrice bien connue aujourd’hui, Betsy Jolas. Lorsque je l’ai rencontrée, c’est elle qui m’a expliqué ce qu’était Amnesty International. Elle m’a fait rencontrer des membres d’Amnesty International qui étaient à Paris et c’est à son instigation que je suis allé à Genève rendre visite à Sean Mac Bride, qui était, à l’époque, Président de l’Association Internationale des Juristes. Dans son bureau, j’ai fait la connaissance de son assistant Daniel Marchand, qui était en train de fonder la section suisse d’Amnesty international. C’est à partir de ces relations que j’ai pu connaître à Paris d’autres membres individuels de cette organisation, dont, en particulier, Marie-José Protais, et nous avons ainsi fondé la section française d’Amnesty International dont nous avons tenu dès 1969 les premières réunions, bien avant le dépôt des statuts en 1971.

Cette action a été menée en vue de la défense, pour moi, d’abord et avant tout, des prisonniers politiques de Perspectives en Tunisie. C’est pourquoi, à condition de modifier un peu l’intitulé, on dit une pure vérité en expliquant que les Perspectivistes, dans la mesure où nous avons été amenés à organiser leur défense, ont été à l’origine de notre conversion à l’idéologie de la défense des droits de l’homme, en tant que système et non pas en tant que simple moyen. Par conséquent, ce fut une véritable découverte, qui a fait que, par la suite, certains membres de Perspectives et en particulier Ahmed Ben Othman sont devenus des militants des droits de l’homme au quotidien, aussi bien en militant à Amnesty International qu’en créant comme il l’a fait un mouvement sur les prisons.

Je n’ai que trop parlé.

Je voudrais simplement vous dire pour conclure, que j’ai été enchanté par la jeunesse des séniors qui composent cette salle : cela montre que la vitalité de la  vie politique tunisienne est toujours présente. On l’a vu suffisamment depuis deux ans, et on en a là un témoignage merveilleux !

Il faudrait :

  • que cette jeunesse maintenue soit une sagesse pour demain,
  • que le débat soit aussi amical qu’il a été aujourd’hui, bien qu’il y ait des positions, on l’a senti, fort différentes,
  • enfin que tout cela soit une vitalité pour maintenant, et que, par delà les commémorations, vous ayez tous une participation effective à ce qui se passe en Tunisie, qui est de première importance et de portée internationale !

Merci.

 

L’apport d’une Génération Perspectives et la Révolution du 14 Janvier 2011

 Abdelwahab Meddeb

Quelques mots d’abord sur mon rapport avec Perspectives.

Il est avant tout dans l’amitié que j’ai eue avec Ahmed Ben Othman.

Nous nous sommes connus l’année de Philo au Collège Sadiki, une amitié forte nous a liés. Nous étions ensuite ensemble, à la Faculté des Lettres, au Département de Français- Lettres Modernes, boulevard du 9 avril, pendant 3 ans de 1964 à 1967. Je garde un souvenir vif de ces  3 années, années d’intense formation, de passion du texte et en même temps de l’amitié partagée, nous formions un petit groupe d’une quinzaine de personnes.

Ensuite, c’est l’arrivée à Paris en 1967 marquée par l’empreinte de notre génération, avec ces va-et-vient Paris-Tunis, France-Tunisie, Tunisie-le monde, qui a participé à notre histoire et à ses enjeux.

En 1968, j’ai participé au mouvement étudiant à Paris, dans une atmosphère d’effacement des frontières, de la notion de nationalité, d’amitié internationale au milieu d’étudiants de multiples origines.

On vivait à Paris la « cosmopolitique » de Kant. C’est imprégné par cette atmosphère, que je suis entré en contact avec le mouvement de Perspectives qui était maoïste, une version tunisienne du maoïsme vu de Paris, par fidélité aussi à Ahmed qui avait été incarcéré avec les autres, que je ne connaissais pas.

Je suis donc entré à Perspectives, dans une cellule à Paris. Je me souviens de ceux qui  la composaient : Mohamed Saddem, Hechmi Ben Fredj, Françoise Valensi, très souvent d’ailleurs on se rencontrait chez Françoise, s’y ajoutent Taieb Ktari, Hassen Kerker, Khaled Fellah, Salah Kcheou. Et puis d’autres contacts  personnalisés ont eu lieu dans les années 69/71 à Bruxelles, avec Hichem Griba, Nouri Bouzid, le futur cinéaste qui, lui-même subira la répression en rentrant en Tunisie. Nous étions aussi en contact avec le juriste et futur avocat, Jeddi, qui sera notre interlocuteur à Grenoble et Lyon.

Je retiendrai de mon expérience à Perspectives et son évolution vers Amel Tounsi  deux faits marquants:

1- il s’agit d’un texte qui mériterait de ressortir des archives et qui a engendré une immense polémique à l’époque, c’est celui que soulève la « question palestinienne », dans ses rapports avec le développement de la lutte révolutionnaire en Tunisie (février 1968), devenu fameux sous le label « la brochure jaune ». Je serais curieux de relire cette brochure qui a fait couler tant de salives. Elle était audacieuse, je pense qu’elle continue de l’être, par sa position sur le conflit israélo-arabe que ce texte ramenait à un conflit israélo-palestinien. Encore aujourd’hui, cette position est loin d’être partagée, nous le savons jusque dans les tout derniers débats des Constituants à Tunis. En effet, la dimension méditerranéenne comme composant essentiel de l’identité tunisienne a été écartée en arguant que son évocation impliquerait la reconnaissance d’Israël. Pourquoi la dimension méditerranéenne de la Tunisie impliquerait la reconnaissance d’Israël ? C’est une vision passionnelle, irrationnelle. Justement, cette brochure engageait à contre-courant l’idée de la viabilité d’Israël et de la Palestine dans la cohabitation d’un Etat binational. C’est peut être l’idée la plus utopique dans le contemporain et je crois qu’elle sera in fine inévitable. L’idée de l’état binational a été au reste adoptée par beaucoup d’intellectuels raisonnables des deux camps, qui doivent avoir une vision dans la durée, inscrite dans le lointain. C’est la vision adoptée et par Edward Saïd et par Judith Buttler, deux éminents Américains, l’un Palestinien, l’autre juive. Il convient de rappeler que dans le monde arabe, ce texte a émergé après la débâcle arabe de 1967, il constituait une réflexion sur le désastre de juin 1967. Il a été élaboré grâce aux échos qui nous parvenaient d’un monde imprégné par une atmosphère internationale et cosmopolite jusqu’au boulevard du 9 avril à la Faculté des Lettres où nous fréquentions les éminents professeurs qui y enseignaient dont Jean-Pierre Darmon, Alain Ducellier, Georges Lapassade, Michel Foucault, Jean Gattégno, Jean Wahl, ainsi que Frédéric Deloffre, grand professeur de grammaire française, même s’il s’est révélé ennemi de droite radicale en 1968 à la Sorbonne, puisqu’il était férocement opposé la révolution culturelle que nous voulions mener.

Je me souviens encore des débats violents que la brochure a suscités, particulièrement pendant les meetings qu’abritait le foyer du 115 boulevard Saint-Michel, devenu le théâtre du conflit ouvert avec les nationalistes arabes déclarés ou inconscients. Nous avions à affronter les blessés de l’identité.

2- Le deuxième fait concerne l’interrogation sur la langue ; il continue d’être une question qui s’est posée aux Constituants tunisiens.

Au moment où je quittais moi-même le navire Perspectives et où on allait vers Amel Tounsi, on a décidé d’écrire le journal en arabe oral.

Je peux affirmer que pour moi, en tant que praticien et technicien du texte, les textes littérairement les plus performants que l’on ait produit dans notre littérature en Tunisie, ce sont les textes d’écriture théâtrale, dont la langue est le vulgaire tunisien (au sens où Dante entend ce mot qui, en répudiant le latin, a décidé d’inventer son écriture du Grand-Œuvre à partir du vulgaire toscan, lequel, de là, deviendra la langue de la créativité italienne). Par le vecteur du vulgaire tunisien, de grandes choses ont été dites, informées par la littérature internationale. Il s’agit en particulier des nombreux textes du Nouveau Théâtre, et de ce qui s’en suivra, écrits en vulgaire et innervés par la mémoire littéraire universelle et par les multiples classicismes méditerranéens mais aussi chinois, japonais, etc… Pour autant, la langue arabe littérale, qui a largement évolué par rapport à l’arabe classique, est une langue qui compte, il n’y a pas lieu de l’abandonner,  loin de là, parce qu’elle est destinée à un grand avenir. Les politiques d’’arabisation ont été mal menée car dès le départ la question a été mal posé, comme on dit en tunisien « el hsrira kbel jamaâ », c’est que la maîtrise des savoirs devrait précéder le choix de la langue.

Une fois les savoirs maîtrisés, la transmission des multiples savoirs vers l’arabe devient un jeu d’enfant. L’arabe littéral qui aura en 2030, je crois, 700 millions de  locuteurs : pourquoi se couper d’un si vaste public ?

Une langue n’est pas exclusive de l’autre. Il serait beaucoup plus fécond de reconnaître la pluralité linguistique qui nous constitue. Il en est de même du français, qui est une langue qui nous appartient désormais, qui appartient à la territorialité tunisienne. Ainsi, les Tunisiens pourraient créer dans l’un ou l’autre des idiomes dont dispose leur mémoire : il ont le choix entre l’arabe littéral, l’arabe vulgaire, l’amazigh, le français.

J’en viens à  ce que j’ai pu tirer de mon expérience dans Perspectives.

L’apport d’une génération n’implique pas la Tunisie seule. C’est une problématique universelle qui a eu sa version tunisienne et son adaptation à la réalité tunisienne et au rapport du politique avec un système autoritaire sinon dictatorial.

Que reste-t-il de cette génération ? Cela a été dit par les uns, par les autres.

Il existe toute une littérature concernant la génération contemporaine universelle à la génération tunisienne de Perspectives, particulièrement par le climat maoïste qui teintait l’époque.

Pour ce qui concerne la France, des œuvres ont déjà témoigné et nous ont fait connaître, l’histoire des uns et des autres, ce que sont devenus les protagonistes de 68, comment ils ont évolué, parfois à l’opposé de ce qu’ils étaient :

– Je pense au destin de Beni Levi, le patron de la Gauche Prolétarienne qui a retrouvé plus tard l’orthodoxie la plus radicale de son identité originelle juive. Réfléchissons pour savoir si nous rencontrons ce type de figure dans l’expérience tunisienne.

– Interrogeons-nous aussi sur ce qu’a pu nous apporter le roman Tigre en Papier d’Olivier Rolin, un des chefs de la Gauche Prolétarienne, aujourd’hui  très bon romancier.

– Christian Jambet, philosophe qui maîtrise le corpus occidental et oriental, en langue arabe et en langue persane, a bricolé l’utopie d’une politique spirituelle, après avoir pris connaissance de l’ismaélisme et sa pensée ésotérique, insurrectionnelle, radicale.

Je pense que, politiquement, l’apport de notre génération n’a pas été décisif. La répression était féroce. La violence d’Etat a brisé l’élan des plus déterminés. Cependant, en Tunisie comme en France, ce qu’a apporté  la génération de 1968 à la société, a été  majeur.

Beaucoup d’anthropologues pensent que les deux événements du XXe siècle qui ont  assuré en France la mutation des mœurs et  de la société en général sont, pour au moins l’u des deux, au-delà du politique, ils s’inscrivent dans ce que Jacques Derrida appelle l’archi-politique. Les voici :

1- la loi de 1905, qui stipule la séparation de l’église et l’État ;

2- et probablement le mouvement de 1968, évènement considérable pour l’évolution des mœurs à une échelle universelle. Il a eu sa version nipponne, ses versions américaines et européennes et aussi sa version tunisienne. Je perçois la situation tunisienne à l’horizon du monde.

Quel est cet apport ?

Si politiquement notre génération a échoué, dans l’archi-politique son apport a été marquant en ce qui concerne la mutation anthropologique. Venant de sociétés structurées sur le patriarcat et la tribu – toute la politique de Bourguiba avait comme objectif de construire l’État contre la tribu – je crois que nous avons participé d’une manière prégnante à la sortie du patriarcat, plus forte qu’ailleurs, dans l’horizontalité arabo-maghrébine à laquelle appartient la Tunisie.

La génération suivante a reçu des ondes multiples de cette mutation anthropologique où le fils peut être le frère, l’ami, sinon l’éducateur de son père. L’enjeu actuel est encore celui-là même. Le débat qui, depuis trois ans, secoue la Tunisie est bien celui-là même qui nous place à la croisée des chemins, où la société se divise entre ceux qui cheminent sur la voie qui conduit à la sortie du patriarcat et ceux, régressifs qui ne pensent qu’au retour audit patriarcat.

Deleuze a été cité en cette après-midi. Je me réfère à lui encore, à sa déterritorialisation, un des concepts majeurs qui ont éclairé le nouveau nomadisme de notre temps, celui de la traversée des frontières, du troc des racines avec le réseau (les rhizomes),  quelque chose qui, lorsqu’elle elle s’enracine, s’épand en réseau ; tout cela participe de la sortie du patriarcat  et de l’éloignement de la tribu.

Ce concept « deleuzien », appliqué à la situation tunisienne, nous nous sommes tous reconnus comme ses enfants et, lorsque j’ai écouté tout à l’heure l’intervention de Tarek Ben Hiba, j’ai reconnu cet aspect dans l’expérience du militant politique.

Les jeunes gens qui ont été à l’origine du 14 janvier 2011, appartiennent à leur  génération, celle du digital, sans avoir quitté la Tunisie, sans avoir vécu l’épreuve de l’étranger. Ils partagent cette vision des rhizomes, dans ce que permet la technique actuelle, de s’inscrire dans le réseau mondial virtuel ;  ils sont enfants de leur temps, contemporains de leurs  équivalents en âge,  en Amérique, en Europe, en Afrique, en Asie.

Lorsque j’ai rencontré Azyz Amami, cyber-activiste et blogueur, toujours à la pointe du combat pour les libertés, j’ai appris qu’il appartient à la tribu d’Ahmed Ben Othman (alias Othmani), mais ce n’est pas comme descendant de la même tribu que Amami est l’enfant de Ahmed Ben Othman,  ils le sont  en tant que l’un et l’autre déterritorialisés. Amami, fils spirituel de Ben Othman et Ben Othman eût pu être fils d’Amami,  sans oublier la fraternité élective qui les aurait liés.

 

Témoignage de Noureddine Chatti
au Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

Je m’appelle Noureddine Chatti, je viens de Msaken.

Comment est-ce que je suis devenu Perspectiviste ?

Avant de venir en France en 1965, j’étais instituteur à Aïn Draham pendant une année, puis à Ben Béchir, entre Souk El Arba et Souk El Khemis pendant une année. J’ai donc eu une expérience de l’enseignement après l’indépendance de 63 à 65. Le parti Neo Destour de Bourguiba, essayait d’obliger les instituteurs à devenir membre du parti. J’ai refusé et cela m’a créé des problèmes : j’ai eu pour cette raison, pendant un an, 3 inspections. Alors, j’ai quitté.

Je suis arrivé à Paris en 1965 j’ai rencontré des gens de Msaken, en particulier Ali Khalfallah, (Ali Cheikh). Ali lisait le journal du GEAST, je me rappelle bien, on disait le groupe GEAST. Il m’a donné le journal que je lisais. Comme je n’avais pas de bourse, je me suis dit il fallait que je trouve un pays autre que la France.

Je suis allé passer des vacances d’été en 1966, à Stockholm. J’ai rencontré quelques étudiants suédois, francophones, ils lisaient le journal Clarté. Le Clarté suédois était différent du Clarté français. Le Clarté français était le journal des étudiants communistes, alors que le Clarté Suédois était de tendance maoïste. J’ai rencontré un étudiant en médecine à qui j’ai demandé si je pouvais rester faire des études en Suède. Il m’a dit « bien sûr » et m’a accompagné à l’Université. Je me suis inscrit et j’ai eu une bourse.

En 1967 dans toute la Suède, il y avait environ 7 étudiants tunisiens, 1 au nord de la Suède et 6 à Stockholm : 3 nationalistes  arabes  qui venaient de Bagdad et 3 « gauchistes ».

Après la guerre du 5 juin 1967, on a organisé la première manifestation arabe à Stockholm. A la fin de l’année 1967 on a essayé de créer une section de l’UGET. Nous avons écrit à l’UGET à Tunis. Ils nous ont refusé sous prétexte qu’il n’y avait pas d’étudiants tunisiens en Suède ! En fait, ils avaient peur d’une nouvelle section favorable à la gauche. D’ailleurs, même l’Ambassade, avait refusé de nous reconnaître comme étudiants. Nous, nous ne savions rien des conflits à l’intérieur de l’UGET, entre les destouriens et la gauche.

En 1968 après la condamnation à 20 ans de travaux forcés de Mohamed Ben Jannet, on a décidé de créer la section Perspectives de Suède. Nous avons publié une brochure rouge d’environ 60 pages sur le procès de 68. À cette époque-là les relations étaient très bonnes entre la Suède et la Tunisie. Ben Salah venait souvent, Bourguiba y était allé en 62,  Bourguiba Junior y allait souvent aussi. Les Suédois avaient de grands projets en Tunisie le port de Kelibia, par exemple, et d’autres choses.

Nous, nous étions 4/5 étudiants, notre rôle était de dévoiler le caractère dictatorial du régime de Bourguiba (Parti unique, Présidence à vie, ….) et nous avons décidé de traduire en suédois tout ce qui venait de Paris. Alors un jour comme je faisais des études d’économie, je suis allé voir l’un de nos Professeurs, Gunnar Myrdal (il a eu le Prix Nobel d’économie en 1974). J’avais peur, un pas en avant deux pas en arrière. Le Professeur me reçoit et me dit « asseyez-vous, je voudrais savoir ce qui se passe en Tunisie ». Je commence à lui raconter. Il me dit « je vais écrire une lettre à Bourguiba pour lui demander la libération immédiate des prisonniers politiques en Tunisie ». L’Ambassade se demandait d’où il recevait ces informations. La brochure sur Ben Jannet, on l’a publié en 1000 exemplaires ! La gauche suédoise nous a aidé. On a été invité dans plusieurs Universités, dans le nord, puis à Lund et Stockholm et même en Finlande, à faire des conférences sur le mouvement estudiantin en Tunisie.

Après la sortie de la brochure jaune de Perspectives sur la Palestine, c’est le groupe Perspectives de Stockholm qui a créé le premier comité de soutien à la Palestine. Il a aujourd’hui environ 20 000 membres. C’est grâce à ces activités pour la Palestine que les sociaux-démocrates ont commencé à se rapprocher du Fatah ; Abou Amar a d’ailleurs été invité en Suède.

Notre rôle était de dénoncer le régime dictatorial de Bourguiba et de demander la libération de nos camarades. Entre 68 et 70 nous avons travaillé aussi sur un autre registre : il y avait pas mal de Suédois qui partaient en vacances en Tunisie, à Sousse en particulier. Nous avons édité une petite brochure sur la situation politique et les prisonniers politiques en Tunisie. On allait à l’aéroport pour  la distribuer  aux touristes suédois en partance pour la Tunisie en leur disant « c’est vrai que la Tunisie est un petit paradis avec du soleil, mais il y a aussi des prisonniers politiques et des atteintes aux droits de l’homme ». Nous étions 2 activistes de Perspectives, le troisième aussi, mais il voulait reste discret.

À la fin de 68, nous avons reçu un camarade de Perspectives venu pour faire une conférence à  l’Université de Stockholm. A leur retour en Tunisie certains des tunisiens présents à ce meeting ont été convoqués au Ministère de l’Intérieur. On leur demandait qui avait organisé cette conférence. Ils ont eu vraiment peur, et depuis aucun d’entre eux n’a voulu s’engager en politique !

Ce qui nous a vraiment aidé à faire du bon travail c’est que le mouvement de gauche suédois était engagé dans la question du Vietnam. Bourguiba étant pour les américains au Vietnam, nous avons donc bénéficié du soutien de la gauche suédoise. J’avais un ami, celui qui était « à moitié » perspectiviste et qui avait tourné sa veste ; il avait été embauché en 1984 à l’Ambassade de Tunisie à Stockholm. Plus tard, il m’a avoué avoir été impressionné par les envois de lettres des Suédois demandant la libération des prisonniers. Il y avait à l’Ambassade, une pièce contenant des milliers de lettres et de cartes postales d’Amnesty International, demandant au régime de Bourguiba la libération des prisonniers politiques.

C’est là où j’ai compris que nous avions fait un travail énorme à la section de Stockholm !

 

Interventions des participants présents dans la salle

Colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

**** :
Je comprends que dans l’enthousiasme et la nostalgie on puisse retenir les points positifs du passé. Pour moi, avec l’âge et le temps, tout est négatif ; il n’y a rien eu de positif dans la progression de l’histoire du mouvement révolutionnaire en Tunisie puisque le régime répressif de Bourguiba l’a emporté. Mais j’aimerais bien entendre des historiens analyser cette période avec recul.

Jilani *** :
Bonjour j’ai une question pour ceux qui ont témoigné et pour les historiens.
Que reste-t-il de Perspectives ?
Aujourd’hui, lorsque vous observez la société tunisienne, la société civile surtout et pas la classe politique, en particulier depuis la révolution, en quoi vous reconnaissez- vous ? Y a-t-il des choses que vous voyez en vous disant : « ça c’est nous ! ».

**** :
J’ai une observation à faire :
Brahim Razgallah a parlé des différentes ruptures notamment  entre le régime de Bourguiba et la jeunesse estudiantine. Mais vous n’avez pas évoqué la rupture interne dans la mouvance politique Perspectives/Amel Tounsi, entre ceux que l’on appelait « les anciens » c’est-à-dire les initiateurs de Perspectives, qui étaient plutôt de culture intellectuelle  et francophone, idéologiquement proches de la gauche française notamment Althusser et des critiques du Parti Communiste Français et ceux de la deuxième composante de cette mouvance politique qui en étaient la traduction politique en Tunisie. Leur pratique s’est manifestée par des essais de jonction avec des mouvements oubliés, notamment les grèves dans le secteur des transports à Sfax et à Tunis. Cette culture de Amel/Tounsi était plutôt orientée vers le Machrek : la politisation autour de la question palestinienne, et des révolutionnaires vietnamiens.
Donc, cette rupture n’a pas été traitée, il aurait été intéressant d’analyser ces deux façons de faire de la politique en Tunisie à cette époque-là.

Hamadi Aouina :
Je suis probablement dans cette salle le seul qui n’ait pas appartenu à ce mouvement.
Je suis arrivé à Paris en 1974, j’étais un simple étudiant pas nécessairement politisé mais avec quelques idées marxistes. Il y avait un groupe trotskiste à Paris à cette époque, issu de la dissidence avec la Parti Communiste Tunisien qui s’appelait « El Kifeh », avec Hédi Kamoun, Sadok Tabbane et d’autres intellectuels de grande qualité qu’il ne faut pas oublier. J’avais trouvé une de leur brochure sur le mouvement étudiant datant des années 70, l’autre brochure portait sur la question linguistique.
En 1975 à la Maison de Tunisie, lors de la commémoration du 5 février 1972, j’ai pris la peine de recopier au feutre un extrait de cette brochure sur une affiche. Brahim Razgallah, militant de Amel/Tounsi, est arrivé, il a pris l’affiche et l’a déchirée.
Je le remercie pour m’avoir conforté dans le trotskisme et dans mon anti Perspectives, anti Amel Tounsi, anti maoïste et  anti tout …
Depuis cette époque on m’a collé une étiquette, on m’appelle Hamadi Trot’.
Fondamentalement vous n’avez pas changé ! Il y a un camarade dans la salle qui a demandé une autocritique par rapport à cette période. Je l’approuve pleinement.

 

Fin du colloque pour le cinquantenaire de Perspectives/Amel Tounsi

du 11 janvier 2014 à Aubervilliers

Projection du documentaire « Mémoire Noire » de Hichem Ben Amar

 

Messages reçus après le Colloque

 

Abdelwahab Meddeb

19/01/2014

À : Brahim Razgallah

Merci à toi, cher Brahim, d’avoir donné ton temps et usé de patience pour organiser cette plongée dans la mémoire destinée à éclairer le présent et surtout le futur par sa part de lumière, ça entretient en nous qui avançons en âge la flamme de la jeunesse et de l’espoir,

très amicalement, Abdelwahab

 

Jean-Pierr​e Darmon

Cher Brahim,

J’ai été très heureux de me retrouver parmi vous et de constater que personne n’avait perdu la fraîcheur de la jeunesse, en dépit des années.

Merci à tous, et spécialement à l’organisateur en chef !

Amitiés, Jean-Pierre Darmon

 

Noureddine Chatti

19/01/2014 À : Brahim Razgallah

Cher camarade
Merci á toi car tu a fait tout le travail et je suis satisfait et te remercie d’avoir pris part á cette rencontre.
J´espère que les documents qui t’ont été remis ont un contenu intéressant.
J´ai rencontré un certain Lalaa de Gafsa à la manif du 14 janvier. Je lui ai raconté que je t´ai remis des documents concernant les révisionnistes (PCT) des années 60-70. Il n´était pas content que je te l´ai donné et pourquoi je ne l´ai pas donné à des anciens du PCT. Je lui ai dit que je ne connais que les camarades de Perspectives dont j´ai confiance aveugle á 100% et s´il veut quelque chose, qu´il n´a qu’à contacter le camarade Razgallah. Il l´a fermé. Je ne suis pas habitué à ce genre des gens et malheureusement, ils sont nombreux et parasitaires.
Tu es le bienvenu à Stockholm.
Je t’embrasse ainsi mes salutations á Madame, Noureddine Chatti

 

Marcel Maarek 

19/01/2014 – À : Brahim Razgallah

Et bravo pour ton travail et ton organisation… Il nous reste à travailler pour la démocratie dans notre pays!

MM

 

Faouzi Bentara 

19/01/2014

Bonjour Brahim,

Participer à cette manifestation cela allait de soit pour moi, un moment de mémoire et de retrouvailles,

En attendant de nous revoir à d’autres occasions, j’ai retrouvé ma Lorraine pour l’instant, même si je vais à Paris le plus possible pour répéter avec Ridha Abbès et l’ensemble Malouf tunisien,

bien amicalement, Faouzi Bentara

Jeanne Valensi 

19/01/2014 – À : ‘Brahim Razgallah’

Merci à vous d’avoir organisé cette rencontre. Vous avez encore beaucoup de choses à dire, et beaucoup d’émotions à partager. Continuez.

Cordialement, Jeanne Valensi

 

Hédi Chenchabi 

19/01/2014 – À : Brahim Razgallah

Bonjour

Merci à toi et aux camarades, c’était un moment fort; Qui aurait cru un jour que les militants historiques se retrouvent ensemble dans un équipement de l’ex RCD pour parler mémoires des luttes;

J’espère que tu as vu les quelques portraits réalisés de certains militants et militantes 50 ans après ? (voir ma page FB)

Encore Bravo Brahim

 

Ridha Abbes

19/01/2014

À : Brahim Razgallah, Tarak Ben Hiba, Jean Pierre Darmon, Marcel maarek, Hichem Abdessamad, Ahmed Amara, Abdelwahab Meddeb, Béchir Msallem, Hassen Ouardani, Françoise Valensi, Nouredine Chatti

Grand Merci à toi Brahim pour ton engagement, pour ta fidélité aux principes nobles de l’amour de notre pays.
Le combat continue pour que la Tunisie donne l’exemple de la tolérance et du dialogue constructif.
Notre domaine, c’est la culture, c’est en travaillant notre culture avec amour et fierté que nous participerons à mieux faire respecter notre identité et notre mot.
Merci encore et à bientôt.
Ahmed-Ridha Abbès
Mâlouf Tunisien

 

 

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